Télétravail et temps de travail
Avec la pandémie, le télétravail a été expérimenté, prolongé et tend aujourd’hui à se maintenir comme un mode normal de travail. Le règlement grand-ducal du 22 janvier 2021 a déclaré d’obligation générale la convention du 20 octobre 2020 relative au régime juridique du télétravail (la convention). Qu’en est-il dès lors de l’organisation du temps de travail lorsque le télétravail est régulier ?
Lorsque le télétravail est régulier, la convention impose au salarié et à l’employeur de trouver un accord sur la question des « heures et jours de la semaine pendant lesquels le télétravailleur fait du télétravail et doit être joignable pour l’employeur ou les modalités pour déterminer ces périodes ». Cet accord devra donc fixer non seulement les jours de télétravail, mais également, et de manière spécifique, les horaires de travail pendant lesquels le salarié est à disposition de la société.
L’article 6 impose en outre à l’employeur d’assurer une égalité de traitement entre les télétravailleurs et ceux qui travaillent sur site, notamment « quant aux conditions d’emploi, au temps de travail, aux conditions de rémunération, […] ». Enfin, l’article 10 précise que « L’organisation du temps de travail suit les règles applicables au sein de l’entreprise. La charge de travail et les critères de résultat du télétravailleur sont équivalents à ceux des travailleurs comparables dans les locaux de l’employeur ».
Il semble dès lors possible d’imaginer que les horaires de travail, dans la mesure où ils respectent l’organisation de travail de l’entreprise, puissent être quelque peu adaptés pour un salarié selon qu’il est en télétravail ou sur site. Mais cela devra être convenu.
Quid des heures supplémentaires ?
La convention impose aux parties de « convenir des modalités réglant la prestation des heures supplémentaires qui s’alignent dans la mesure du possible sur les procédures internes à l’entreprise ». Il appartient alors à l’employeur de veiller à ce que le caractère exceptionnel des heures supplémentaires soit aussi strictement respecté pour les télétravailleurs que pour les salariés qui travaillent sur site.
Le télétravail ne crée donc pas un statut particulier en matière de temps de travail. Le salarié devra respecter son temps de travail, tel que convenu dans son contrat de travail (par ex. 8h/jour et 40h/semaine). Ce temps pourra être augmenté (heures supplémentaires) dans les limites légales. Une pause de 30 mn devra être réalisée lorsque le salarié travaille plus de 6 heures par jour et il devra bénéficier d’une période de repos de 11 heures consécutives pour chaque période de 24 heures.
Respecter ces règles en télétravail peut sembler plus difficile. Le salarié pourrait être tenté d’adapter, de son propre chef, sa journée de travail : commencer plus tôt, profitant ainsi de l’absence de trajet, faire des pauses plus longues et finir plus tard. De même, l’employeur pourrait être tenté de le solliciter en dehors de ses heures normales de travail, au motif qu’il a accès à son poste de travail « comme s’il était au bureau ». De telles adaptations devront faire l’objet d’un accord entre les parties. En tout état de cause, il n’appartient pas à une partie, de modifier, de sa seule volonté les horaires de travail et de décider les heures durant lesquelles le salarié est à disposition de l’entreprise.
Le régime des heures supplémentaires s’applique également au télétravail. En principe, seules les heures prestées sur demande ou avec l’accord de l’employeur constituent des heures supplémentaires. Il appartient au salarié qui réclame le paiement d’heures supplémentaires d’établir non seulement qu’il a effectivement presté ces heures, mais qu’il les a prestées sur demande et avec l’accord de son employeur.
Il a toutefois été admis que la présence de l’employeur sur le lieu de travail en même temps que le salarié permettait d’établir l’accord de l’employeur(1). Il est possible d’imaginer que cette jurisprudence puisse être adaptée, par exemple, en cas d’appel visio entre le salarié et son employeur. Il a également été retenu que des fiches de travail, réalisées dans les formes requises par le règlement de l’entreprise et qui avaient servi à la facturation du client, pouvaient également permettre d’établir non seulement la réalisation des heures, mais la validation de l’employeur(2). Il est possible d’imaginer que de telles procédures puissent être maintenues en cas de télétravail.
En tout état de cause, ces questions, lorsqu’elles vont se poser devant les tribunaux, ne manqueront pas de retenir l’attention. Dans l’intervalle, la prudence impose de mettre en place des procédures claires de télétravail, de gestion des horaires et des heures supplémentaires, comme par exemple un système de validation systématique, avec signature des heures supplémentaires prestées, au fur et à mesure de leur réalisation.
Avocat à la Cour inscrite aux barreaux de Luxembourg (dcl avocats) et du canton de Vaud/Suisse (Etude Mercuris Avocats, Lausanne), médiateur affilié à la Fédération Suisse des Avocats, avocat en droit collaboratif.
(1) Cour d’appel, 24 mai 2007, n° 29251 du rôle.
(2) Cour d’appel, 3 décembre 2009, n° 33875 du rôle.