La TVA sur les voitures de société bientôt payées dans le pays de résidence ?
Les bénéficiaires d’une voiture de société au Luxembourg devront-ils prochainement s’acquitter de la TVA dans leur pays de résidence ? C’est en tout cas de cette façon que la Cour de justice de l’Union européenne s’est positionnée en début d’année dans un litige fiscal opposant une entreprise de la Place et le fisc allemand. Une jurisprudence qui pourrait avoir des conséquences pour les employeurs luxembourgeois. Explications.
Le marché automobile luxembourgeois pourrait-il bientôt être bouleversé suite à une récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne ? La CJUE a en effet affirmé en début d’année que le paiement de la TVA sur une voiture de leasing devait être effectué dans le pays de résidence du bénéficiaire du véhicule. Concrètement, un travailleur frontalier avec une voiture de société luxembourgeoise doit payer une TVA sur ce véhicule dans son pays de résidence.
Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut revenir en 2014, lorsqu’une entreprise de la Place décide d’octroyer à deux de ses employés habitant en Allemagne un véhicule de société. Si le premier opte pour une voiture entrant dans le budget de l’entreprise, le deuxième se voit octroyer un véhicule haut de gamme. En contrepartie, il accepte de voir réduire son salaire annuel d’environ 6.000 EUR.
À ce même moment, de l’autre côté de la frontière, l’Allemagne émet une circulaire selon laquelle la mise à disposition d’un véhicule par un employeur pour son employé doit être qualifiée de location de moyen de transport à long terme, et donc taxable de la TVA en vigueur sur le lieu de résidence du bénéficiaire.
La CJUE a donc été saisie par la justice allemande pour régler ce différend fiscal entre l’entreprise luxembourgeoise, qui avait déjà payé la TVA à l’administration fiscale luxembourgeoise et s’estimait donc victime d’une double imposition, et le fisc allemand. Et c’est en faveur de ce dernier que la Cour de justice européenne a finalement plaidé en début d’année.
Un enjeu colossal
Dans les chiffres, rappelons que plus de 200.000 frontaliers traversent la frontière chaque jour depuis la Belgique, la France et l’Allemagne pour venir travailler au Grand- Duché, et que le parc automobile luxembourgeois compte 90.000 véhicules en leasing. En outre, la moitié des véhicules immatriculés chaque année au Luxembourg sont des voitures de société. Au regard de ces chiffres et de l’enjeu, on imagine que cette décision de la Cour de justice de l’UE a fait trembler les acteurs du secteur automobile luxembourgeois. Les employeurs devront en effet examiner la situation personnelle de chacun de leurs employés bénéficiant de cet avantage afin de se mettre en conformité.
Avantage en nature ou sacrifice de salaire ?
La situation est toutefois plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, pour comprendre le dossier, il convient d’abord de différencier les deux formules de leasing automobile.
En premier lieu, on retrouve la formule la plus répandue, celle qui voit l’entreprise octroyer à son employé un véhicule de fonction indépendamment de son salaire. Dans ce cas, l’employeur luxembourgeois règle la TVA au Grand-Duché avant d’en retoucher une partie. Le jugement rendu en début d’année par la CJUE ne concerne pas ce cas de figure puisque le véhicule est considéré comme un avantage en nature.
Il existe également une deuxième formule de leasing automobile, moins fréquente, qui consiste à octroyer un véhicule de fonction à un employé contre une diminution salariale. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’un avantage en nature mais d’un salary sacrifice et la TVA doit alors être payée dans le pays de résidence du bénéficiaire, comme l’a stipulé la Cour de justice de l’Union européenne.
À l’heure actuelle, les autorités financières luxembourgeoises sont en train d’éclaircir la situation. Le gros point d’interrogation réside dans l’interprétation des textes de lois européens, qui n’ont subi aucune modification malgré la décision de la CJUE.
L’interprétation des textes au coeur du débat
Cela signifie-t-il que tous les employeurs du pays devront prochainement s’acquitter de la TVA outre-Moselle pour leurs employés résidant en Allemagne et disposant d’un véhicule de société en échange d’un salaire moindre ? À l’heure actuelle, les autorités financières luxembourgeoises sont en train d’éclaircir la situation. Le gros point d’interrogation réside dans l’interprétation des textes de lois européens, qui n’ont subi aucune modification malgré la décision de la CJUE.
Reprenons le cas de l’employé qui bénéficie d’un véhicule considéré comme un avantage en nature. Pour une raison personnelle, ce même employé peut refuser la voiture de fonction, ce qui est de plus en plus souvent le cas. En contrepartie, l’employé se voit, généralement, octroyer un salaire plus généreux. Cela sous-entend que, dans le cas contraire, le salarié faisait bel et bien un sacrifice sur son salaire, ce qui le soumettrait au paiement de la TVA dans son pays de résidence… En l’interprétant de cette manière, cela pourrait poser de gros problèmes aux employeurs luxembourgeois, qui feraient face à de nouvelles lourdeurs administratives, d’autant que le système de la TVA en Allemagne est particulièrement complexe.
Il existe une deuxième formule de leasing automobile, moins fréquente, qui consiste à octroyer un véhicule de fonction à un employé contre une diminution salariale. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’un avantage en nature mais d’un salary sacrifice et la TVA doit alors être payée dans le pays de résidence du bénéficiaire, comme l’a stipulé la Cour de justice de l’Union européenne.
Il faudra donc suivre de près la manière dont l’administration fiscale interprétera les contrats de travail dans lesquels il est mentionné que les employés qui ne souhaitent pas posséder une voiture de société peuvent, en contrepartie, obtenir une augmentation salariale. Si une nouvelle interprétation de ces textes était appliquée avec effet rétroactif, cela aurait de graves conséquences sur un nombre considérable d’acteurs de la Place. Qui plus est si les administrations française et belge embrayent et suivent l’exemple de leur voisin allemand…
Alex Barras