Le compte épargne-temps
La notion de compte épargne-temps (« CET ») participe de l’idée de permettre aux salariés de trouver un juste équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, élément qui gagne de nos jours de plus en plus d’importance pour les salariés. Les tendances actuelles du monde du travail montrent en effet que de plus en plus de salariés s’opposent à l’idée de sacrifier leur vie privée au profit de leur carrière professionnelle.
Le principe du CET a déjà fait l’objet de plusieurs débats et avait notamment déjà été évoqué dans une déclaration gouvernementale du 12 août 1999 afin de « permettre aux salariés d’accumuler sur un compte des droits à congé rémunéré qu’ils pourront utiliser ultérieurement pour réaliser des projets personnels, sans devoir recourir à des périodes de congé sans solde ».
A cet égard, la loi du 12 avril 2019 portant introduction d’un compte épargne-temps dans le secteur privé (« Loi de 2019 ») fait suite à la loi du 1er août 2018 portant fixation des conditions et modalités d’un CET dans la fonction publique.
Le but principal du CET est de permettre aux salariés de mieux gérer certains droits à congé ainsi que l’utilisation de ceuxci à leur convenance personnelle avec comme objectif de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie privée. Le CET constitue ainsi un outil d’organisation et de flexibilisation du travail au profit des salariés, outil qui ne peut toutefois pas leur être imposé.
La mise en place d’un CET
La mise en place d’un CET relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur. Elle ne peut toutefois se faire que dans le cadre d’une convention collective ou d’un accord en matière de dialogue social interprofessionnel au niveau national ou sectoriel.
En ce qui concerne les accords interprofessionnels au niveau national ou sectoriel, ceux-ci doivent fixer un cadre général permettant aux entreprises non couvertes par une convention collective d’instaurer un CET. Une telle instauration doit cependant émaner d’un commun accord entre l’employeur et sa délégation du personnel, accord qui est soumis à l’homologation du ministre ayant le travail dans ses attributions.
L’alimentation du CET
Pour pouvoir alimenter son CET, le salarié doit avoir une ancienneté minimale de 2 ans dans l’entreprise.
L’alimentation du CET est faite en heures et non pas en numéraire et est limitée à 1.800 heures soit 45 semaines à 40 heures.
Le CET s’applique de manière individuelle à chaque salarié et peut être alimenté, sur demande écrite du salarié, par les heures suivantes :
- les jours de congé supplémentaires accordés en vertu d’un plan d’organisation du travail (POT) en fonction de la durée de la période de référence ;
- les soldes d’heures excédentaires de la période de référence ou de l’horaire mobile ;
- les heures supplémentaires ;
- le congé compensatoire en cas de travail de dimanche et/ou de jour férié tombant un dimanche ;
- les jours de congé non pris dépassant le minimum légal de 26 jours dans la mesure où ces jours n’ont pas pu être pris dans l’année en cours ; et
- un maximum de 5 jours de congé de récréation n’ayant pu être pris au cours de l’année de calendrier pour cause de maternité, de maladie ou de congé parental.
L’utilisation du CET
D’après la Loi de 2019 chaque salarié peut utiliser librement son CET sous réserve (1) des besoins du service, (2) des désirs justifiés d’autres salariés, (3) d’avoir introduit une demande écrite préalable et (4) au moins un mois à l’avance.
Le salarié peut choisir d’utiliser ses heures au crédit de son CET par du congé rémunéré à temps plein ou à temps partiel. En cas de congé à temps partiel, la durée hebdomadaire de travail ne pourra toutefois être inférieure à 10 heures de travail.
Lorsque le salarié tombe malade ou se trouve face à un événement donnant droit au congé extraordinaire pendant l’utilisation de ses droits accumulés sur son CET, ces heures lui seront recréditées. Le salarié doit fournir un certificat médical endéans un délai de 3 jours s’il se trouve au Luxembourg et, dans l’hypothèse d’un séjour à l’étranger, il doit en informer l’employeur dès que possible.
La protection du salarié
L’utilisation des droits acquis sur le CET est considérée comme du temps de travail. La période d’utilisation génère du congé annuel de récréation et compte dans l’ancienneté de service (y compris concernant les droits dans un régime de pension complémentaire).
Etant donné que le salarié est considéré être en congé payé pendant la période d’utilisation, l’employeur est tenu de conserver l’emploi du salarié ou, en cas d’impossibilité, de garantir un emploi similaire au niveau qualifications et salaire.
La liquidation du CET
Le principe est la liquidation du CET par l’utilisation en heures des droits accumulés. Par exception et dans les hypothèses suivantes, la liquidation des droits acquis sur le CET se fait moyennant paiement d’une indemnité compensatoire :
- cessation du contrat de travail, (1) à l’initiative d’une des parties, (2) d’un commun accord ou (3) en cas de décès du salarié ;
- en cas de cessation de plein droit du travail telles notamment les hypothèses :
- de décès, d’incapacité physique ou de faillite de l’employeur ;
- d’attribution au salarié d’une pension de vieillesse ou d’une pension d’invalidité ;
- d’épuisement des droits à l’indemnité pécuniaire de maladie ;
- notification d’une décision de reclassement externe.
L’indemnité compensatoire correspond à la conversion monétaire des droits acquis multipliés par le taux horaire en vigueur au moment du paiement.
Les obligations de l’employeur
L’employeur doit mettre en place un système assurant la tenue exacte et détaillée du CET permettant à tout moment une consultation individuelle par les salariés de leurs CET. Il doit aussi fournir un relevé mensuel permettant de vérifier l’approvisionnement correct du CET.
La contrepartie financière des CET augmentée des charges patronales et adaptée à l’évolution du coût de la vie doit faire l’objet de provisions au passif et à l’actif du bilan.
Les garanties en cas de faillite de l’employeur
Afin d’éviter qu’en cas de faillite de l’employeur le temps accumulé sur le CET ou les sommes provisionnées en contrepartie des heures accumulées sur le CET ne soient perdus, la Loi de 2019 a créé une sorte de super-super-privilège. Ainsi, les créances résultant de la liquidation d’un CET seront incluses dans la liste des créances privilégiées et placées dans la catégorie des super-privilèges devant les créances des salaires, de traitements et indemnités se rapportant aux 6 derniers mois de travail et les créances du salarié portant sur des indemnités de rupture du contrat de travail.
Les créances résultant d’un CET seront en plus prises en charge par le Fonds pour l’emploi jusqu’à concurrence d’un plafond fixé au double du salaire social minimum de référence.
Provisions complémentaires
- La Loi de 2019 a élargi la mission d’information et de consultation de la délégation du personnel en lui attribuant la surveillance de la mise en place et de l’exploitation correcte du CET.
- Le montant de l’indemnité de chômage complet est déterminé sur base du salaire brut effectivement touché au cours des 3 mois ayant précédé la période d’utilisation des droits acquis résultant du CET.
- La contrepartie rémunérée des créances accumulées au CET est considérée comme revenu d’une occupation salariée et non comme un revenu extraordinaire.
- Dispositions transitoires : les règles relatives à un CET prévues par une convention collective applicable avant l’entrée en vigueur de la Loi de 2019 restent applicables pendant la durée de validité de cette convention collective. Ce n’est seulement à l’occasion de la négociation d’une nouvelle convention collective que le CET devra être mis en conformité avec les dispositions de la Loi de 2019.