Augmentation de la fiscalité de l’avantage en nature sur les voitures de fonction sous contrat de leasing à partir de 2025, arrêt QM, ambitions écologiques…, la voiture de société va-t-elle pouvoir rester un élément-clé du package salarial ? Faisons le point avec Dominique Roger, Managing Director d’Ayvens Luxembourg et président de mobiz, la fédération qui regroupe les principaux acteurs de la location de véhicules à court et à long terme.

Dominique Roger, Managing Director, Ayvens Luxembourg, et président, mobiz.
Dominique Roger, Managing Director, Ayvens Luxembourg, et président, mobiz.

Les mises à disposition de voitures de société dont le contrat a été conclu depuis le 1er janvier 2025 sont grevées d’une nouvelle fiscalité. Quelle est-elle ?

Ces nouveaux taux visent au départ à favoriser les véhicules à faibles émissions, c’est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé de maintenir une fiscalité avantageuse sur les véhicules électriques : 0,5 % pour ceux consommant maximum 18 kWh/100 km et 0,6 % pour ceux consommant plus de 18 kWh/100 km. Celle des véhicules hybrides passent à 2 % (0,8 – 1,0 % jusqu’en 2024), de même que les thermiques (1,0 – 1,8 % jusqu’en 2024).

Dans le cadre d’une conférence de la House of Automobile qui s’est tenue le 12 décembre dernier, et au cours de laquelle vous interveniez, vous avez démontré, en vous basant sur des calculs et des comparaisons, que renoncer à la voiture au profit du salaire ne permettait pas de couvrir le coût d’usage d’un véhicule identique en privé…

En effet, les chiffres parlent d’euxmêmes. Je propose d’intégrer ici des tableaux qui résument la démonstration que j’ai faite lors de cette conférence.

«Dans une période où attirer et retenir les talents est un défi de compétitivité, la voiture de société reste un véritable atout tant pour les employeurs que pour les salariés, j’ai fait la démonstration qu’une conversion du budget voiture en salaire ne leur est pas du tout avantageuse. Quant à l’arrêt QM, il a pu ou peut inquiéter, mais l’utilisation privée d’un véhicule de fonction impliquait déjà le paiement d’une TVA depuis de nombreuses années et beaucoup d’employeurs la prenaient déjà en compte et s’en acquittaient.»

L’aspect fiscal est une chose, mais la voiture de fonction en leasing comporte bien des avantages…

Il faut savoir que 54 % des nouvelles immatriculations sont des voitures de société. Pour l’économie locale, elles représentent donc un poids économique important. Quant aux avantages de la voiture en leasing, tant pour les salariés que pour les employeurs, ils sont souvent sous-estimés : tout d’abord, les conditions d’achat sont plus favorables puisque le client bénéficie de remises fleet, de primes d’assurances forfaitaires très compétitives…, la capacité d’emprunt en privé est préservée pour le salarié, le budget est fixe et sans surprise puisque les mensualités sont identiques tout au long du contrat, le taux d’intérêt est fixé à la commande, les loyers ne sont pas indexés et il n’y a pas de préfinancement de la TVA, mais, surtout, le leasing offre un grand confort au niveau du conseil et du support, de même qu’une absence totale de risque tant au niveau de la revente que des risques opérationnels ; de plus, le salarié bénéficie d’un véhicule moins polluant et doté des dernières technologies tous les 3-4 ans, ce qui contribue grandement à la décarbonation des parcs automobiles.

Source : Tableaux de Dominique Roger réalisés dans le cadre de la conférence de la House of Automobile du 12/12/2024.
Source : Tableaux de Dominique Roger réalisés dans le cadre de la conférence de la House of Automobile du 12/12/2024.

L’arrêt QM a fait couler beaucoup d’encre. Pouvez-vous nous en résumer le contenu ?

Cet arrêt vise uniquement la mise à disposition à titre onéreux des véhicules de société pour une durée supérieure à 30 jours, ce qui est la majorité des voitures de fonction dans les entreprises. Il s’agit de verser de la TVA sur la partie d’usage à titre privé des véhicules – il faut savoir que le trajet domicile-travail est considéré comme un trajet privé d’un point de vue fiscal. Les employeurs sont donc considérés comme des prestataires de services, donc responsables de verser la TVA due à l’administration luxembourgeoise ou aux administrations étrangères. La meilleure manière de déterminer cette part d’usage privé serait de tenir un carnet de bord, mais, pour des raisons évidentes, cela serait très compliqué. Dès lors, à l’instar de ce qui se pratique pour l’avantage en nature, la plupart des sociétés préfèrent le forfait. Le problème est que le Luxembourg et ses voisins n’appliquent pas les mêmes règles pour calculer celui-ci. Le Luxembourg, l’Allemagne et la France prennent pour base de calcul le coût effectif total du véhicule, tandis que la Belgique prend en compte le coût effectif réduit de la part assurances. Pour les forfaits, le Luxembourg acceptait avant QM un pourcentage entre 25 % et 30 %, mais tarde à confirmer officiellement ce niveau, et la Belgique 65 % ; quant à l’Allemagne et la France, c’est 100 %, donc pas de forfait. Concernant l’effet rétroactif, il est non applicable au Luxembourg, la Belgique et la France le fixent au 1er juillet 2021, et pour l’Allemagne, on parle de 2016 dans les affaires récentes où la TVA n’était pas versée, à noter que le pays exige la TVA depuis 2014.

En conclusion, que dites-vous aux DRH et chefs d'entreprise qui se posent des questions ?

Dans une période où attirer et retenir les talents est un défi de compétitivité, la voiture de société reste un véritable atout tant pour les employeurs que pour les salariés, j’ai fait la démonstration plus haut qu’une conversion du budget voiture en salaire ne leur est pas du tout avantageuse.

Quant à l’arrêt QM, il a pu ou peut inquiéter, mais l’utilisation privée d’un véhicule de fonction impliquait déjà le paiement d’une TVA depuis de nombreuses années et beaucoup d’employeurs la prenaient déjà en compte et s’en acquittaient. Par contre, ce qui est nouveau, ce sont les taux de TVA et les règles du pays de résidence du conducteur qui s’appliquent, donc qui complexifient un peu les choses ainsi que la question de la rétroactivité, comme je l’ai expliqué dans la réponse précédente. Avec un bon accompagnement de leur fiduciaire ou comptable, toute entreprise concernée pourra mettre en place les calculs adéquats. En conclusion, je dirais que l’avantage en nature pour la voiture en leasing reste intéressant, tout particulièrement pour les véhicules zéro émission, ainsi que pour les véhicules thermiques puisque la hausse de la fiscalité reste modérée. La voiture de société associée au leasing opérationnel conserve donc de réels atouts.

Propos recueillis par Isabelle Couset