La facture acceptée
Une jurisprudence constante
Dans un arrêt du 1er février 2018(1), la Cour d’appel a rappelé de manière didactique les principes applicables en matière de facture acceptée. Il nous semblait dès lors intéressant de revenir sur ce mécanisme et d’en rappeler le fonctionnement.
Aux termes de l’article 109 du Code de commerce, les achats et ventes se constatent notamment par une facture acceptée. Cette acceptation peut être expresse ou tacite. Le silence gardé audelà du temps nécessaire pour prendre connaissance de la facture, contrôler ses mentions ainsi que les fournitures auxquelles elle se rapporte fait présumer que le débiteur de la facture l’a acceptée.
Le destinataire de la facture peut toutefois renverser cette présomption en établissant soit qu’il a protesté en temps utile, soit que son silence s’explique autrement que par une acceptation.
Dès lors, pour que le mécanisme de la facture acceptée fonctionne, plusieurs conditions doivent être réunies, de manière cumulative, à savoir :
- l’existence d’une facture ;
- la qualité de commerçant dans le chef du destinataire ;
- la réception de la prédite facture ; et
- le silence ou l’absence de contestation de ce dernier.
Pour être considérée comme telle, la facture doit répondre à certains critères : il doit s’agir d’un écrit dressé par un commerçant et dans lequel sont mentionnés l’espèce et le prix de la marchandise ou des services, le nom du client et l’affirmation de la dette de ce dernier. Cette facture doit être destinée à être remise au client afin de l’inviter à payer la somme indiquée. Si une de ces mentions fait défaut, le document pourrait alors être considéré comme trop imprécis pour que la théorie de la facture acceptée soit susceptible de lui être opposable.
Contester la facture dans les plus brefs délais
Le commerçant qui n’est pas d’accord au sujet de la facture de son cocontractant doit prendre l’initiative d’émettre des protestations précises valant négation de la dette endéans un bref délai à partir de la réception de la facture. Deux éléments sont ici importants : la contestation doit être précise et formulée dans un bref délai.
Concernant le premier point, la contestation ne présentera de valeur que si elle est dirigée contre une facture déterminée, si elle vise des prestations mentionnées dans ladite facture et si elle est précise. Il est de jurisprudence constante qu’une protestation vague et générale ne saurait empêcher la présomption de sortir ses effets et la facture sera considérée comme acceptée.
Pour apprécier la qualité de la contestation, il y a lieu de considérer les postes repris dans la facture en cause, la contestation devant clairement porter sur un ou plusieurs postes mentionnés dans ledit document. Une contestation à propos d’une prestation qui ne fait pas l’objet de la facture en cause ne saurait permettre la contestation de cette facture. Une telle contestation ne sera alors recevable qu’au moment de la facturation de la prestation litigieuse.
Concernant le délai, il est admis que le délai gardé au-delà du temps nécessaire pour contrôler ses mentions fait présumer que l’acheteur a accepté la facture. La signification accordée au silence et à sa durée dépendra donc de la profession des parties, de la nature, de la teneur et du contexte de leurs rapports, circonstances qui sont appréciées par le juge dans chaque espèce. La durée du délai de protestation dépend du temps nécessaire pour contrôler la fourniture ou la prestation, la facture et la concordance entre l’une et l’autre.
La décision de la Cour d’appel du 1er février 2018, rappelle en outre que l’existence d’un conflit plus général entre les parties est sans influence sur le mécanisme de la facture acceptée. Le destinataire de la facture ne saurait se prévaloir d’un contexte conflictuel pour soutenir qu’il existerait une contestation générale de toutes les factures émises. Le mécanisme de la facture acceptée est clair : il appartient au destinataire de la facture d’émettre des contestations précises à propos d’une facture déterminée sur les prestations reprises dans ladite facture et dans un bref délai.
(1) Arrêt Cour d’appel du 1er février 2018, IXe chambre, siégeant en matière commerciale, n° 41494 du rôle.