numero-75-titles

La clause de non-concurrence est une disposition écrite dont l’objet est d’interdire au salarié d’exercer, après la rupture de son contrat de travail, une activité concurrente en exploitant une entreprise personnelle suivant les dispositions de l’article L.125-8 du Code du travail.

Cette clause institue donc temporairement une restriction à la liberté du travail et c’est en ce sens qu’elle est encadrée. Elle ne doit pas être confondue avec l’obligation générale de loyauté à laquelle le salarié est soumis pendant l’exécution de son contrat de travail et qui lui interdit de se livrer jusqu’à l’expiration de son contrat à une activité concurrente, même en l’absence de clause expresse.

La clause de non-concurrence ne se présumant pas, elle doit nécessairement être écrite pour être valable. Elle peut directement être insérée dans le contrat de travail initial ou tout avenant ultérieur au contrat.

Quelle que soit, par ailleurs, la terminologie utilisée par l’employeur dans le contrat de travail pour interdire au salarié d’exercer une activité concurrente au terme de leur relation contractuelle de travail, une telle clause, même insérée dans une autre clause composant des restrictions au terme du contrat de travail (restrictive covenants), telle que la clause de non-débauchage ou de non-sollicitation, se reconnaît par son objet et non à son appellation. La clause, quel que soit son libellé, ne peut déroger aux conditions cumulatives de validité.

La clause de non-concurrence est régie par l’article L. 125-8 du Code du travail qui stipule que « la clause de non-concurrence inscrite dans un contrat de travail est celle par laquelle le salarié s’interdit, pour le temps qui suit son départ de l’entreprise, d’exercer des activités similaires afin de ne pas porter atteinte aux intérêts de l’ancien employeur en exploitant une entreprise personnelle (...) ».

La clause de non-concurrence doit, pour produire ses effets, satisfaire aux exigences de forme et de fond cumulatives énumérées dans l’article précité. Ainsi :


  • la clause doit se rapporter à un secteur professionnel déterminé et à des activités similaires à celles de l’employeur
  • elle ne peut dépasser une période de 12 mois prenant cours à compter du jour où la relation contractuelle de travail entre l’employeur et le salarié prend fin
  • elle est limitée au territoire luxembourgeois ;
  • elle ne trouve, par ailleurs, application que si le salarié n’était pas mineur au jour de la signature de la convention prévoyant l’application de cette clause et pour autant que le salaire annuel brut versé au salarié est supérieur à un montant déterminé par arrêté grand-ducal. Ce montant de référence est actuellement fixé à 52.843,88 EUR (indice 775,17).

Si une clause de non-concurrence ne respecte pas les conditions légales précitées, elle n’est pas automatiquement nulle. Les tribunaux saisis peuvent en effet modifier et/ou limiter certaines conditions de la clause pour qu’elle satisfasse pleinement aux exigences matérielles et territoriales requises par l’article L.125-8 du Code du travail.

Enfin, il est important de noter que le champ d’application de la clause de non-concurrence est limité au seul cas de figure où le salarié exerce une activité concurrente à celle de l’ancien employeur, à titre d’indépendant, et plus précisément d’entrepreneur individuel (entreprise personnelle), ce qui en pratique s’avère de plus en plus rare.

Il est clair que l’exercice d’une activité professionnelle dans le cadre d’une entreprise personnelle ne concerne, dans notre société actuelle, qu’un nombre limité de personnes et que l’application des dispositions de l’article L. 125-8 du Code du travail telle que rédigée à ce jour peut paraître désuète, car inefficace ou ne présentant tout le moins que très peu d’intérêt pour les employeurs.

Un revirement de jurisprudence

Concrètement, les dispositions actuelles du Code du travail n’empêchent pas un salarié de travailler au nom et pour compte d’un concurrent de son ancien employeur, dès lors qu’il est placé sous un nouveau lien de subordination. Exercer une activité concurrentielle à son ancien employeur en qualité de salarié, fût-ce au sein d’une société dont le salarié dispose également d’un statut de dirigeant, ne constitue pas une violation de la clause de non-concurrence. Tel est aujourd’hui le problème auquel se trouvent confrontés de nombreux employeurs.

La clause de non-concurrence ne se présumant pas, elle doit nécessairement être écrite pour être valable. Elle peut directement être insérée dans le contrat de travail initial ou tout avenant ultérieur au contrat.

Face à cette inefficacité factuelle, une pratique s’est peu à peu développée à l’instar du modèle français, consistant à élargir le champ d’application de la clause de non-concurrence aux activités salariées moyennant le versement d’une contrepartie financière.

La Cour d’appel a, dans un arrêt largement commenté du 13 novembre

2014 (n° 39706 du rôle), opéré un revirement radical de jurisprudence et remis en cause les règles tant concernant le champ d’application matériel que le champ d’application territorial de l’article L.125-8 du Code du travail jusqu’alors applicables. Elle s’est ainsi prononcée sur la validité d’une clause de non-concurrence renforcée dont le champ d’application matériel était étendu à une activité salariée auprès d’une société concurrente en contrepartie d’une compensation financière, comme suit : « Est abusive une clause qui impose au salarié des obligations manifestement excessives. En l’occurence, l’interdiction imposée à B [au salarié] de ne pas travailler ou de ne pas présenter de demandes d’emploi auprès d’entreprises concurrentes n’a pas de caractère manifestement excessif dès lors qu’il a été permis à B [le salarié] de travailler ou de présenter une demande d’emploi auprès d’entreprises non concurrentes, que l’interdicion était limitée dans le temps et qu’elle comportait une contrepartie financière ». La Cour d’appel a cependant considéré la clause litigieuse « comme excessive dans la mesure où son champ d’application couvre un espace géographique trop vaste, s’étendant à des centaines de kilomètres des frontières du Grand-Duché de Luxembourg. La sujétion manifestement excessive imposée à B [au salarié] est à redresser en limitant l’interdiction imposée à B [au salarié] au Grand-Duché de Luxembourg et pour ce qui est du territoire français à l’Alsace et la Lorraine ».

Le champ d’application de la clause de non-concurrence est limité au seul cas de figure où le salarié exerce une activité concurrente à celle de l’ancien employeur, à titre d’indépendant, et plus précisément d’entrepreneur individuel (entreprise personnelle).

Bien que la Cour d’appel ait réduit l’espace géographique visé dans la clause, lequel s’étendait au-delà du territoire national luxembourgeois à l’Alsace, la Lorraine ainsi qu'aux départements du Rhône-Alpes, de l’Île de France, de la Haute et de la Basse-Normandie, elle a bousculé la règle établie suivant laquelle le champ d’application est limité au territoire national.

En conséquence, la Cour d’appel reconnaît qu’une clause de non-concurrence renforcée est valable sous certaines limites.

Trouver le bon équilibre

Il est manifeste, à la lecture de cet arrêt, qu’il doit et qu’il devra toujours exister un équilibre certain entre les intérêts légitimes de l’entreprise, limités dans le temps et dans l’espace, et le principe fondamental de la liberté de travail conféré au salarié. Si cet arrêt demeure encore une décision jurisprudentielle isolée, il fait toutefois souffler un vent nouveau sur les possibilités qui s’offrent aux employeurs soucieux de préserver les intérêts légitimes de l’entreprise tout en développant une stratégie de leurs ressources humaines orientée vers l’attractivité, la rétention de nouveaux collaborateurs et le développement de la gestion des talents, d’étendre, sous certaines conditions, dans les conventions la rédaction des clauses de non-concurrence au-delà du strict libellé de l’article L.125-8 du Code du travail.

A l’heure où l’identification, le développement, la motivation des talents constituent des préoccupations importantes des employeurs, ceux-ci doivent en effet pouvoir s’armer et prévoir des dispositions conventionnelles qui, à défaut de retenir certains talents, éviteront que ceux-ci ne leur créent, lorsqu’ils quittent l’entreprise, une concurrence ardue auprès d’un autre employeur. Il est clair qu’au vu de l’importance du poste occupé par certains salariés, leurs expertises, les informations confidentielles et stratégiques qui leur sont confiées au cours de l’exécution du contrat de travail, une clause de non-concurrence bien rédigée prévoyant une contrepartie financière appropriée (suivant le principe de proportionnalité) peut être un atout considérable.

em61_p25_catherine_graff
Me Catherine Graff - Counsel

Si la réforme de l’article L.125-8 du Code du travail souhaitée par de nombreux professionnels du droit, depuis fort longtemps déjà, ne semble toujours pas d’actualité, et que le caractère obligatoire de la contrepartie financière dans les clauses de non-concurrence tel qu’il existe chez nos voisins français n’est pas près de constituer une généralité, il n’en demeure pas moins qu’en vertu du principe de liberté contractuelle et au regard de l’arrêt de la Cour d’appel, un certain nombre d’employeurs pourrait être incité à développer, sous certaines conditions, et pour certains postes de travail, cette pratique déjà tolérée.