Frontaliers : actualités fiscales 2018
Suite à la réforme fiscale entrée en vigueur le 1er janvier 2018, le frontalier marié est dorénavant rangé, par défaut, dans la classe d’impôt 1, comme s’il était célibataire.
Frontalier marié : classe 1 ou classe 2 avec imposition collective
Option pour l’imposition collective avec calcul d’un taux d’impôt global
Sur demande qui doit être signée par les deux époux, le frontalier marié peut cependant opter pour l’imposition collective, sous réserve de remplir les conditions de l’assimilation fiscale(1). Dans ce cas, le frontalier marié est imposé sur base d’un taux d’impôt global calculé (en classe 2) sur l’ensemble des revenus de son ménage – professionnels et non professionnels – perçus au Luxembourg et à l’étranger.
Conditions de l’assimilation fiscale
Pour rentrer dans le régime de l’assimilation fiscale et bénéficier de la classe 2, le frontalier marié doit remplir une des conditions suivantes :
- 99 au moins 90 % de ses revenus mondiaux doivent être imposables au Luxembourg. Pour rendre cette condition plus accessible au frontalier qui travaille partiellement à l’étranger pour compte de son employeur luxembourgeois (par ex. le commercial qui visite des clients à l’étranger), les dispositions légales prévoient que les 50 premiers jours imposables à l’étranger en vertu d’une convention fiscale sont assimilés à des jours imposables au Luxembourg(2) ;
OU
- plus de 50 % des revenus professionnels de son ménage sont imposables au Luxembourg (ce critère est uniquement valable pour le frontalier belge) ;
OU
- les revenus qu’il perçoit à l’étranger sont inférieurs à 13.000 EUR par an (par ex. des loyers perçus dans le pays de résidence, déduction faite des charges).
Demande de l’imposition collective
S’il ne l’a pas déjà fait en début d’année, le frontalier marié peut demander à tout moment durant l’année 2018, via la plateforme sécurisée mise en place à cet effet par l’administration fiscale (www.guichet.lu), un taux d’impôt global qui sera inscrit sur sa carte d’impôt 2018. Le calcul du taux se fait sur base des revenus estimés du ménage pour 2018 (sur base de pièces justificatives à joindre à la demande). Dès transmission de la nouvelle carte d’impôt à son employeur, celui-ci devra régulariser la retenue à la source sur son salaire en fonction de la nouvelle carte d’impôt. S’il décide de rester en classe 1 durant toute l’année 2018, il pourra encore opter pour l’imposition collective via le dépôt d’une déclaration fiscale conjointe.
De manière générale, le frontalier marié a intérêt à opter pour l’imposition collective lorsque son conjoint n’a pas ou peu de revenus professionnels dans le pays de résidence ou lorsque les deux conjoints travaillent au Luxembourg et qu’ils n’ont pas ou peu d’autres revenus à l’étranger. Dans ce cas, la charge d’impôt calculée dans le cadre de l’imposition collective sera en effet inférieure à l’impôt calculé en classe 1.
Déclaration fiscale conjointe
En 2019, les frontaliers qui ont obtenu une carte d’impôt 2018 avec inscription d’un taux d’impôt global devront obligatoirement déposer une déclaration fiscale conjointe au Luxembourg où ils devront joindre les justificatifs des revenus effectivement perçus par le couple en 2018. Cette déclaration donnera lieu à un supplément ou à un remboursement d’impôt suivant que les revenus du ménage en 2018 seront supérieurs ou inférieurs à ceux qui ont été estimés en vue de la détermination du taux de retenue à la source inscrit sur leur carte d’impôt 2018.
Il est à noter que, dans leur déclaration fiscale, les époux pourront bénéficier des mêmes déductions fiscales que les couples résidant au Luxembourg (contrepartie favorable de l’assimilation fiscale), ce qui contribuera à réduire les impôts luxembourgeois.
Frontalier marié : imposition individuelle
A partir de l’année d’imposition 2018, tous les couples mariés (frontaliers ou résidents) ont dorénavant la possibilité d’opter pour une imposition individuelle(3) (conduisant à une imposition séparée des conjoints).
S’agissant des frontaliers, ceux-ci doivent cependant rentrer dans le régime de l’assimilation fiscale pour pouvoir opter pour l’imposition individuelle (les conditions sont identiques à celles qui sont applicables aux époux qui optent pour l’imposition collective – voir ci-dessus). Dans le cas de l’imposition individuelle simple, les époux(4) sont chacun imposés sur base d’un taux personnalisé calculé, en classe d’impôt 1, en fonction du total de leurs revenus mondiaux respectifs (revenus professionnels au Luxembourg et autres revenus perçus à l’étranger, par exemple 50 % des loyers d’un immeuble commun).
Dans le cadre de l’imposition individuelle simple, les époux bénéficient chacun de la moitié des abattements auxquels ont droit les couples imposables collectivement.
Demande de l’imposition individuelle simple
Les époux peuvent demander(5) l’imposition individuelle :
- à tout moment durant l’année 2018 via la plateforme sécurisée mise en place à cet effet par l’administration fiscale (www.guichet.lu). Dans ce cas, ils obtiennent une nouvelle carte d’impôt 2018 avec inscription d’un taux personnalisé tenant compte de leurs revenus mondiaux personnels ;
- soit via leur déclaration fiscale jusqu’au 31.03.2019 au plus tard. Au-delà de cette date, le choix du mode d’imposition sera irrévocable pour l’année 2018.
Pour les contribuables se mariant en cours d’année 2018, le délai est prolongé jusqu’au 31.12.2019.
Désolidarisation de la dette fiscale entre les époux
L’avantage de l’imposition individuelle est qu’elle permet une désolidarisation de la dette fiscale entre les époux dans le cas où l’administration doit procéder à un recouvrement forcé de l’impôt par voie de saisie sur salaire ou autre. En d’autres termes, chaque époux est uniquement redevable de l’impôt sur son propre revenu alors que dans l’imposition collective, l’administration peut se tourner valablement vers l’un ou l’autre époux pour réclamer le paiement total de l’impôt dû sur les revenus du ménage.
Déclaration fiscale
Les époux(4) qui ont opté pour l’imposition individuelle doivent obligatoirement déposer une déclaration d’impôt au Luxembourg à laquelle ils devront joindre les justificatifs de leurs revenus respectifs.
Un frontalier marié a parfois intérêt à opter pour une imposition individuelle plutôt que pour une imposition collective lorsque les revenus du ménage à l’étranger sont proportionnellement plus élevés que les revenus luxembourgeois (par exemple, lorsque le salaire du conjoint dans le pays de résidence est plus élevé que le salaire luxembourgeois). |
L’Administration des contributions va apporter prochainement les précisions indispensables quant aux modalités pratiques de mise en oeuvre de l’imposition collective versus individuelle(6).
Frontalier français : seuil de tolérance de 29 jours
Le 20 mars 2018, le Luxembourg et la France ont signé une nouvelle convention préventive de double imposition. Celle-ci devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2019(7).
Pour ce qui concerne les salaires, la nouvelle convention suit les standards internationaux conformément au dernier modèle de convention fiscale de l’OCDE(8), ce qui n’est pas le cas de l’ancienne convention datant de 1958. Les nouvelles dispositions mettront un terme à l’incertitude régnant jusqu’alors autour de l’imposition du frontalier français amené à exercer sporadiquement son activité en dehors du Luxembourg.
Dans le cadre d’un protocole d’accord annexé à la convention, les deux pays se sont mis d’accord sur un seuil de tolérance permettant au frontalier français de travailler un maximum de 29 jours par an(9) en dehors du Luxembourg (en France ou dans un pays tiers) pour le compte de son employeur luxembourgeois sans déclencher une imposition en France.
Le protocole d’accord ne contient aucune précision concernant les modalités pratiques d’application de ce seuil de tolérance. S’agissant d’une dérogation, l’administration fiscale française devrait cependant appliquer la tolérance ainsi concédée de manière stricte.
Si l’on se réfère à ce qui est applicable pour les frontaliers belges et allemands(10), le calcul du seuil de tolérance devrait prendre en compte tous les jours de travail prestés par le frontalier en dehors du Luxembourg, que ces jours aient un caractère productif ou non (prestations de services, réunions, visites de clients, télétravail, formations diverses, activités sociales organisées par l’employeur, etc.).
Ce seuil de tolérance clairement établi dans la nouvelle convention fiscale devrait permettre de développer davantage le télétravail dès lors qu’il apporte la sécurité juridique qui faisait défaut jusqu’à présent(11).
En revanche, si le seuil de tolérance de 29 jours est dépassé, le frontalier sera imposable en France sur la totalité des jours d’activité prestés en dehors du Luxembourg (y compris les 29 premiers jours). Dans ce cas, son employeur devra exonérer sur la fiche de paie luxembourgeoise le salaire relatif aux jours imposables en France (split fiscal). Le cas échéant, un tel split fiscal peut avoir un impact sur la classe d’impôt du frontalier marié s’il ne rentre plus dans les conditions de l’assimilation fiscale(12). Si cela devait être le cas, il se verrait appliquer la classe d’impôt 1.
Frontalier belge : contrôle des plaques jaunes
Les brigades de contrôle mobiles des taxes ont repris le contrôle des véhicules immatriculés au Luxembourg et mis à la disposition de salariés résidant en Belgique par leur employeur luxembourgeois.
Pour rappel, ces véhicules sont dispensés d’immatriculation et du paiement des taxes en Belgique à condition de disposer à bord du véhicule de la copie du contrat de travail et d’une convention prouvant que le véhicule est mis à disposition du salarié par son employeur luxembourgeois. Ces règles prévalent depuis le 1er octobre 2014(13).
La tolérance zéro semble appliquée. A défaut de pouvoir présenter les pièces requises lors du contrôle routier, il y a verbalisation immédiate. L’amende correspond dans ce cas au montant de la taxe de mise en circulation et de la taxe annuelle pour le véhicule contrôlé, ce qui peut représenter plusieurs milliers d’euros.
(1) Dans ce cas, les frontaliers mariés sont assimilés fiscalement aux résidents luxembourgeois avec mise en commun des revenus du ménage.
(2) Par exemple, un frontalier français preste 40 jours de travail en dehors du Luxembourg. Ces jours sont imposés en France via sa déclaration fiscale. Néanmoins, pour le calcul du seuil des 90 %, ces 40 jours sont assimilés à des jours luxembourgeois, ce qui lui permet de rentrer dans le régime de l’assimilation fiscale et de bénéficier de la classe 2.
(3) Imposition individuelle simple ou avec réallocation des revenus entre époux.
(4) Lorsque les deux conjoints travaillent au Luxembourg.
(5) Demande conjointe à signer par les deux époux.
(6) A la date de la remise de cet article à la rédaction d’entreprises magazine, les circulaires fiscales ne sont pas encore émises.
(7) Sous réserve que les deux pays procèdent chacun, dans les délais, à la ratification de la convention selon leur législation nationale respective.
(8) Organisation de Coopération et de Développement Economiques.
(9) Si l’employeur luxembourgeois a un établissement stable en France (par exemple, un chantier de construction de plus de 12 mois), le frontalier ne pourra en principe pas invoquer l’application du seuil de tolérance. Il sera imposable en France pour tous les jours travaillés sur le chantier.
(10) Pour rappel, le seuil de tolérance est de 24 jours par an pour les frontaliers belges et de 19 jours par an pour les frontaliers allemands.
(11) Actuellement, la possibilité de travailler un jour maximum par semaine en France dans le cadre du télétravail tout en restant 100 % imposable au Luxembourg repose uniquement sur une réponse donnée par le ministre français de l’Economie le 24.04.2012 à une question parlementaire.
(12) Pour conserver la classe 2, le frontalier marié doit être imposable au Luxembourg du chef d’au moins 90 % du total de ses revenus mondiaux, sachant que le salaire relatif aux 50 premiers jours de travail imposables en France en vertu de la convention fiscale est assimilé à des revenus imposables au Luxembourg. S’il ne remplit pas cette première condition, il pourra tout de même accéder à la classe 2 si ses revenus nets imposables à l’étranger ne dépassent pas 13.000 EUR par an.
(13) Arrêté royal du 18 juin 2014 modifiant l’arrêté royal du 20 juillet 2001 relatif à l’immatriculation de véhicules.