BNP Paribas Real Estate Casser les codes
Avec sa gamme complète d’expertises – promotion, transaction, conseil, évaluation, gérance et Investment Management – BNP Paribas Real Estate est présente sur tous les grands projets immobiliers existants et à venir, et dispose ainsi d’une très bonne connaissance du marché luxembourgeois. Audrey Wotovic, Director Letting & Sales, et Pascal Mikse Head of Research, nous confient leurs impressions.
Dans un marché immobilier en pleine croissance, quelles tendances retenez-vous ?
Aujourd’hui, la tendance principale est à la transformation/au regain de zones satellitaires. Prenons l’exemple du parc commercial d’Howald qui va, dans les années qui viennent, se muer en un immense ensemble mixte de quelque 50.000 m², ou encore le grand projet de développement autour de l’aéroport qui va débuter avec la construction du Skypark Business Center. La « renaissance » de zones industrielles délaissées ces dernières années, comme celle de Munsbach qui a rebondi grâce à un renouvellement de son parc immobilier, est soutenue par la stratégie des grandes sociétés de favoriser des localisations plus proches des frontières. Il ne faut oublier également que les communes périphériques à Luxembourg-Ville commencent à aligner leur taux d’Impôt Commercial Communal (ICC) sur celui de la capitale, qui n’est pas excessif, afin d’attirer et de retenir les entreprises en vue de projets futurs. Il faut savoir que, pour certaines entreprises, le fait d’être proches de Luxembourg-Ville n’est pas toujours un avantage, car même si elles paient le prix au m² moins cher, le taux de l’ICC qui leur sera appliqué peut-être dissuasif.
N’avez-vous pas l’impression que tous les projets se ressemblent ?
Il est vrai que tous les nouveaux projets sont basés sur la même formule : bureaux, commerces, logements. Aujourd’hui, il y a lieu de réfléchir aux points suivants : avonsnous besoin d’inclure les mêmes enseignes et services dans tous les projets ? Ne faudrait-t-il pas (re)penser l’offre de retail plus objectivement ? Réussir une vraie mixité n’est-ce pas utopique ? Ne pourrait- on pas casser les codes en répondant simplement aux besoins réels des personnes qui vivront et travailleront dans un immeuble X du quartier Y ? Pour anticiper la ville de demain, ne devrait-on pas jouer la carte de l’avant-gardisme en ce qui concerne les matériaux, les techniques, voire l’agencement des espaces ? Le problème est que les régles urbanistiques sont, à notre avis, trop cadrées et les cahiers des charges trop stricts, dès lors, on retombe toujours dans des copier-coller de projets réalisés, ce qui limite la créativité et freine l’innovation. Les habitants concernés devraient sans doute pouvoir exprimer plus largement leurs souhaits. D’un autre côté, par rapport aux autres villes européennes, on ne peut pas dire que Luxembourg reste immobile, bien au contraire. Et même si l’avenir démontre que les options choisies jusqu’à présent n’étaient pas idéales, au moins elle aura eu le mérite d’essayer.
Le pays ne cesse de croître, ce qui a pour conséquence première d’engendrer d’énormes problèmes de mobilité. Quelles « parades » les entreprises trouvent-elles en ce moment ?
Il est vrai qu’avec 4 millions de m² de bureaux concentrés essentiellement dans les quartiers de la capitale, la mobilité est une vraie préoccupation. Augmenter le télétravail est une des réponses, mais il faudra trouver des compromis fiscaux. Actuellement, on assiste à un développement croissant des bureaux satellites (Esch, Bettembourg…), une formule qui s’avère gagnante tant pour les entreprises que pour les salariés. On note aussi que de nombreux espaces de coworking voient le jour. La gratuité des transports en commun est à présent effective… Des leviers existent, mais ils ne seront pas visibles immédiatement. A terme, afin de s’adapter aux nouveaux modes de travail, les entreprises devront sans doute repenser leur volet immobilier.
Pour conclure, on parle de chiffres historiques en 2019. Pour quelles raisons ?
La prise en occupation est de plus 260.000 m², le taux de vacance est historiquement bas, plus de 180.000 m² ont été livrés en 2019 et plus de 2 milliards EUR ont été investis. Le problème avec ces chiffres, c’est qu’ils sont actés lorsque les immeubles sont réellement occupés et non quand la transaction a été passée, c’est-à-dire parfois des années auparavant. Nous menons actuellement, avec les différents acteurs de la Place, une réflexion sur une nouvelle méthode de calcul, plus en adéquation avec la réalité.
Propos recueillis par Isabelle Couset