Soyons prêts à accueillir la directive
sur l’intermédiation de l’assurance
Un acteur incontournable : le courtier qualifié indépendant
Le monde change, le cadre réglementaire aussi. Au sein de l’Union européenne, de nouvelles législations visant le secteur financier de la banque/assurance, et plus particulièrement leurs réseaux de distribution, ont vu le jour. Objectif principal de ces législations : renforcer la protection des consommateurs au sein de l’Union européenne.
C’est dans cet esprit qu’en février 2016, la Commission européenne publie au Journal officiel de l’Union européenne la directive 2016/97 du 20 janvier 2016 portant sur la distribution de l’assurance. Communément appelée IDD, Insurance Distribution Directive, cette directive prend le relais de la directive 2002/92/CE. Elle devra être transposée dans les législations locales pour le 23 février 2018 au plus tard (pratiquement en même temps que les réglementations MIFID2(1) et PRIIPs(2)).
Pour atteindre cet objectif de meilleure protection du consommateur, la directive non seulement étend son périmètre d’application à la quasi-totalité des acteurs de la chaîne de distribution des produits d’assurances mais complète aussi le cadre réglementaire déjà exigeant par des principes de compétence, d’honorabilité et de bonne déontologie professionnelle. Elle introduit aussi l’obligation de surveillance et de gouvernance produit (POG), et durcit les règles de prévention des conflits d’intérêt.
Etendue du périmètre d’application(3)
Sont dorénavant concernés par la directive d’intermédiation, les intermédiaires d’assurances à titre accessoire tels que les sociétés de location de voitures, les agences de voyages ou encore les comparateurs d’assurances sur Internet…
Tout intermédiaire d’assurances, qu’il le soit à titre accessoire ou non, est immatriculé auprès d’une autorité compétente dans l’Etat membre d’origine. Au Grand-Duché de Luxembourg, un registre des intermédiaires est tenu par le Commissariat Aux Assurances (CAA), registre consultable sur le site http://www.commassu.lu.
Principes de compétence, d’honorabilité et de bonne déontologie professionnelle : conseiller et agir dans le meilleur intérêt du client
La directive insiste sur la professionnalisation de l’acte de vente en rendant obligatoire une formation professionnelle continue d’au moins 15 heures par an aux intermédiaires d’assurances. L’intermédiaire d’assurances joue en effet un rôle essentiel dans la vente des produits d’assurances, puisqu’il entre en relation avec le client, avant même l’assureur, et l’accompagne à identifier ses besoins à la souscription du contrat et ensuite pendant sa durée. Il doit donc s’assurer de fournir au client une information préalable adaptée, argumentée et en concordance avec la législation.
Selon l’article 10 de la directive, tout acteur du métier de l’assurance devra posséder les connaissances et aptitudes appropriées lui permettant de mener à bien ses missions et satisfaire à ses obligations de manière adéquate.
La directive insiste aussi sur la transparence des informations communiquées aux consommateurs, qu’il s’agisse des informations contractuelles liées au produit ou encore de la rémunération perçue par le distributeur d’assurances.
- Transparence des informations contractuelles liées au produit
Avant de signer un contrat d’assurances, le consommateur devra avoir reçu toute la documentation préalable lui permettant de comparer le produit qui lui est proposé par le distributeur d’assurances avec le marché.
A l’instar des produits « d’assurances vie placement » couverts par le règlement PRIIPs qui prévoit la mise en place d’un document d’informations clés préalables (Key Information Document), pour les produits non-vie, une fiche d’information standardisée (PID, Product Information Document) contenant les principales caractéristiques du contrat pourrait aussi être créée et transmise au consommateur.
- Transparence de la rémunération perçue par le distributeur d’assurances
En février 2017, au terme d’une consultation, l’EIOPA (Autorité Européenne des Assurances et Pensions) a publié ses recommandations en matière de « spécifications techniques ».
L’EIOPA propose une série de critères dont l’objectif est d’identifier les mécanismes de rémunération qui seraient de nature à conduire à la vente de produits d’assurances au détriment des clients en termes de qualité de service. Il y aura lieu de vérifier si une rémunération est disproportionnée au regard de la valeur du produit, ou encore si elle est indexée en fonction de l’objectif de vente, ou encore payée à la souscription du contrat sans remboursement possible en cas de rachat ou résiliation du contrat.
Le distributeur d’assurances ne pourra prendre aucune disposition qui pourrait l’encourager ou encourager ses employés à recommander un produit d’assurance particulier à un client alors que le distributeur de produits d’assurances pourrait proposer un autre produit d’assurances qui correspondrait mieux aux besoins de ses clients (article 17 de la directive).
Dorénavant, le distributeur d’assurances devra informer le consommateur sur la nature de sa rémunération.
- Devoir de conseil
Agir dans le meilleur intérêt du client est le fil conducteur de la directive. Le distributeur d’assurances doit conseiller son client avec soin, justesse, en toute honnêteté et transparence dans le respect des lois.
Quel que soit le canal de distribution, le consommateur devra disposer de l’ensemble des informations lui permettant de cibler les différentes spécificités du contrat et pouvoir ainsi le comparer au marché.
Obligation de surveillance et de gouvernance produit
Cette obligation de surveillance et de gouvernance produit est instaurée dans le but de minimiser les risques de préjudices clients et de ventes abusives.
Il conviendra dès lors à l’organisme assureur qui conçoit un produit d’assurance de s’assurer que celui-ci répond bien aux besoins et intérêts du client et du marché.
Pour chaque produit, une stratégie de distribution devra être décrite et il devra convenir au marché cible défini.
Le distributeur devra également vérifier, en cours de contrat, que le produit répond toujours bien au(x) besoin(s) et intérêt(s) du client.
Il faut donc s’attendre à une redistribution des rôles et responsabilités entre assureur et distributeur.
Durcissement des règles de prévention des conflits d’intérêt
Dorénavant, les situations potentielles de conflits d’intérêt devront être décrites dans une politique idoine, elle-même revue chaque année. C’est le cas, notamment, des situations de double assurances.
Que retenir de cette directive ?
L’essentiel :
- le distributeur d’assurances devra désormais faire preuve d'un professionnalisme accru et justifier d’une formation professionnelle continue ;
- il ne pourra plus percevoir de commissions injustifiées ;
- le consommateur devra recevoir une information préalable, équitable et comparable lui permettant de choisir son contrat en toute connaissance, quel que soit le distributeur d’assurances ;
- chaque produit conçu devra l’être pour une cible bien définie ;
- une responsabilité accrue du distributeur pour un rôle plus large par rapport à l’assureur.
L’Association Professionnelle des Courtiers d’Assurances à Luxembourg (APCAL) est consciente du rôle qu’elle est appelée à jouer pour répondre au mieux aux objectifs de cette directive. Un code de déontologie et une charte de qualité, rédigés à l’initiative de sa Commission vie, seront signés prochainement par ses membres.
Ipso facto
Un conseil judicieux, équitable, pertinent, indépendant et transparent devient un incontournable de la professionnalisation de l’acte de vente d’un produit d’assurances.
(1) MIFID2 (Markets in Financial Instruments Directive 2) : le réglement MIFID2 couvre les marchés d’instruments financiers et vise la protection des investisseurs en Europe.
(2) PRIIPs, Packaged Retail and Insurance-based Investment Products : le réglement PRIIPs couvre les produits d’investissements et prévoit la mise en place d’un document d’informations clés (KID).
(3) Par distributeurs d’assurances, on entend les agents, les courtiers, les opérateurs de « bancassurance », les entreprises d’assurances, les agences de voyages et les sociétés de location de voitures puisqu’elles peuvent distribuer des produits d’assurances. Les apporteurs d’affaires, les gestionnaires de sinistres, d’évaluation et de règlement de sinistres ne sont pas concernés par cette directive. Ne le sont pas non plus les intermédiaires à titre accessoire sous certaines conditions restrictives.