Plan National de Mobilité 2035
« Passer d’une logique de rattrapage à une logique d’anticipation »
Au Luxembourg, la mobilité est un véritable casse-tête depuis de nombreuses années pour toute une série d’acteurs. Après la stratégie pour une mobilité durable Modu 2.0, c’est à présent le Plan National de Mobilité (PNM) 2035 qui va servir de guide en fixant les grandes lignes que les gouvernements des 15 prochaines années devront préciser. Christophe Reuter, 1er conseiller de gouvernement au ministère de la Mobilité et des Travaux publics, nous dévoile les grandes avancées de ce plan.
Comment prévoir la demande de mobilité en 2035, d’autant plus en pleine crise énergétique ?
En 2017, l’enquête Luxmobil – qui a interrogé 21.837 résidents et 9.925 frontaliers - nous a fourni des données représentatives, et ce pour chacune des communes du pays. Partant de là, nous avons calculé le nombre d’habitants, d’emplois et de travailleurs supplémentaires en nous basant sur le scénario moyen établi par le STATEC en 2017. Ce scénario table sur une croissance de 3 % du PIB/an, ce qui semble d’ailleurs se préciser jusqu’à présent. De plus, grâce aux données émanant notamment du ministère de l’Aménagement du territoire, nous savons quelles zones vont abriter de nouveaux projets ou accueillir de nouvelles entreprises, il nous est donc possible de quantifier les flux de déplacements qui vont en résulter. Si les courbes de croissance s’avéraient plus fortes ou moins fortes, les solutions préconisées par le PNM 2035 devraient être implémentées quelques années plus tôt ou plus tard.
L’objectif du PNM est d’augmenter la capacité de transport de personnes de 40 % par rapport à 2017. Quels sont les défis d’ici 2035 ?
Ces 40 % seront atteints de toute manière, à un moment ou à un autre. Ce sont 2,8 millions de déplacements quotidiens (2 millions en 2017) qu’il faudra gérer en respectant la qualité de vie, l’environnement et les moyens budgétaires. Cela pose 3 défis. Le 1er consiste à organiser les flux en rapport avec Luxembourg-Ville, principal pôle d’attraction du pays et de la Grande Région, 49 % de tous les déplacements de personnes au Luxembourg étant en lien avec la Ville. Le 2e défi consiste à évoluer vers une mobilité urbaine dans les 3 agglomérations (Centre (autour de Luxembourg-Ville), Sud (autour d’Eschsur-Alzette) et Nordstad), surtout dans les ceintures urbaines où les habitants conservent des habitudes de mobilité rurales, c’est-à-dire en ayant recours systématiquement à la voiture. Il ne s’agit pas de donner des leçons de comportement aux gens, mais de mettre en place des alternatives de qualité : transports en commun, vélo, marche à pied… dans un système global qui imbrique tous les types de transport. Le 3e défi consiste à implanter, en milieu rural, les nouveaux projets, entreprises… au plus près d’une offre de mobilité performante.
Le PNM 2035 précise bien qu’il n’y a pas de solutions miracles, mais qu’il existe des opportunités. Quelles sont-elles ?
On sait que les résidents et frontaliers ne sont pas plus attachés à un mode de transport qu’à un autre, mais qu’ils plébiscitent toutes les offres de qualité. L’important est d’aller d’un point à un autre de façon agréable et fiable. Le regain de popularité du vélo ces 2 dernières années est une alternative à l’autre mode de transport individuel qu’est la voiture. La capacité des transports en commun sera encore augmentée (trains plus longs, nouvelles rames de tram…). Le covoiturage sur les autoroutes transfrontalières fonctionnera dès qu’il sera possible de dépasser, sur une voie de covoiturage, les bouchons qui ralentissent les autres voies. Actuellement, les autoroutes sont saturées de véhicules, mais ce sont plus de 250.000 sièges vides qui rentrent à Luxembourg-Ville chaque matin. Enfin, dernier levier : la gestion du stationnement. Au Luxembourg, il pourrait être plus efficace, notamment pour les commerces, en priorisant des stationnements qui deviennent payants après une durée déterminée à la place de ceux régulièrement bloqués pour la journée. Ici, les communes et les employeurs ont encore une grande marge de manœuvre.
Quels projets peut-on lancer dès maintenant ?
Il faut savoir qu’un avant-projet détaillé est obligatoire pour qu’un ministre puisse déposer un projet de financement. À l’heure actuelle, quelque 150 projets majeurs sont en cours d’exécution, de planification ou de conception.
Propos recueillis par Isabelle Couset