Numérique : le virage est déjà amorcé
La digitalisation est actuellement au coeur des préoccupations des entreprises. Quels sont les bénéfices que peuvent déjà en tirer certaines d’entre elles ? Entretien avec Brice Lecoustey, Partner Advisory et Digital Leader chez EY Luxembourg.
Comment le digital peut-il transformer la vie des entreprises ?
Aujourd’hui, nous assistons à une maturité convergente de trois paramètres qui créent une accélération assez spectaculaire en matière de transformation digitale : la connectivité, présente partout grâce aux capacités importantes des réseaux et aux technologies permettant aux appareils de s’y connecter. L’automatisation qui permet de remplacer les tâches récurrentes ou rébarbatives et de se consacrer à des tâches à haute valeur ajoutée grâce à des robots qui sont matures, dont le coût des licences est peu élevé, et dont les softwares sont simples d’utilisation. Le troisième paramètre repose sur l’intelligence artificielle (IA) qui permet à des robots intelligents de donner des réponses adéquates à des problématiques complexes. Grâce à la réunion de ces trois paramètres, on accélère le traitement des données au sein de toutes les organisations, ce qui leur permet de proposer de nouveaux parcours à leurs clients, si bien que l’on voie arriver des modèles disruptifs, tels que l’ubérisation, par exemple, générant de nouveaux business models. Les acteurs des secteurs pneumatiques, automobiles ou de l’acier se tournent actuellement vers des smart factories où les produits sont customisés à la demande. C’est tout leur operating model qui fait place au process d’order to delivery (de la commande à la livraison). Grâce à l’analyse des données, les achats, la production, la logistique… sont gérés en optimisant tous les paramètres.
Trop de robotisation est-elle néfaste ?
La robotisation est l’alliée des entreprises et des hommes. Elle permet de réduire considérablement les actions répétitives pour se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée. Elle n’est pas forcément réductrice d’emplois puisqu’en augmentant la qualité du travail elle demande des adaptations que seuls des humains peuvent initier. Et pour cela, l’entreprise a besoin de toutes les générations : les anciens ont pour eux l’expérience et les plus jeunes doivent se former aux outils d’automatisation. C’est ce que l’on nomme la fertilisation des générations. Dans de nombreuses entreprises, elle permet de consacrer plus de temps à la relation clients, aux prévisions, aux analyses…, donc dans l’ensemble, elle n’est pas du tout néfaste si ses deux enjeux majeurs, à savoir l’adaptation des tâches et la formation continue des jeunes sur de nouveaux outils sont anticipés et bien suivis dans l’entreprise.
Quels sont les secteurs que vous classeriez comme disruptifs actuellement ?
J’en vois 4 en particulier. Premièrement, la logistique 4.0 car la distribution automobile est un secteur qui bénéficie d’un boost formidable grâce à l’automatisation et donc aux changements de ses operating et business models. Deuxièmement, les industries manufacturières intelligentes qui vont continuer à s’installer autour des clusters automobiles. Entre l’est de la France, le Luxembourg et l’Allemagne, on a un poumon automobile très dense, si bien que l’on compte déjà une quarantaine de fournisseurs du secteur installés au Luxembourg. En troisième position, je vois le cluster spatial car il y aura une belle activité autour du concept de space mining (exploitation des ressources de l’espace). Dans les années à venir, de nouveaux types d’entreprises verront certainement le jour. Enfin, le cluster ICT va évoluer vers une industrie de la donnée. De nouvelles opportunités vont voir le jour pour les data centres, les entreprises actives dans la cybersécurité… ou autour du futur réseau européen HPC (High Performance Computing), le supercalculateur qui permettra plusieurs milliards de calculs par seconde.
Comme vous le voyez, nous sommes actuellement dans un virage numérique, déjà bien amorcé, et sa sortie devrait nous faire voir encore des choses très étonnantes !
Propos recueillis par Isabelle Couset