Face à la demande accrue des employeurs mais également des salariés d’organiser leur temps de travail de manière plus flexible, les partenaires sociaux et le gouvernement ont oeuvré en vue de réformer la loi dite PAN du 12 février 1999 mettant en oeuvre le plan d’action national en faveur de l’emploi de 1998. Ces travaux ont donné lieu à l’adoption de la loi du 23 décembre 2016 concernant l’organisation du temps de travail et portant modification du Code du travail(1) (la « loi ») qui est entrée en vigueur le 1er janvier dernier.

Au Luxembourg, la durée normale de travail est de 8 heures par jour et 40 heures par semaine. Au-delà de ces limites journalières et hebdomadaires, les heures travaillées sont des heures supplémentaires qui doivent en principe donner lieu à compensation par le biais de majoration de salaire ou de repos(2). Néanmoins, il est possible de demander aux salariés de travailler au-delà de ces limites, sans suppléments, durant une certaine période appelée période de référence. La durée du travail peut donc varier durant cette période de référence, sans donner lieu à majoration, à condition que la durée moyenne de travail, calculée sur la période de référence, ne dépasse pas la durée de travail normale fixée dans le contrat de travail.

Un employeur qui souhaite introduire davantage de flexibilité dans l’organisation du temps de travail de ses salariés a donc le choix d’instaurer une période de référence en recourant à deux outils distincts : par décision unilatérale, il peut décider de mettre en place un Plan d’Organisation du Travail (POT) (I) ou, utilisant la voie de la négociation, privilégier une convention collective ou un système d’horaire mobile (II).

LES CONDITIONS DE MISE EN PLACE D’UN POT
Choix d’une période de référence légale

Les entreprises couvertes, au 1er janvier 2017, par une convention collective de travail, un accord subordonné ou un accord en matière de dialogue interprofessionnel qui prévoient des dispositions concernant une période de référence, restent soumises à ces dispositions jusqu’à la fin de la durée d’application de la convention ou de l’accord. En revanche, les entreprises couvertes par une convention collective ou un accord qui ne prévoit pas de dispositions en la matière ou qui ne sont pas couvertes par ce type de normes ont le choix d’opter pour une période de référence légale dont elles peuvent librement déterminer la durée, sans que celle-ci ne puisse néanmoins, depuis le 1er janvier 2017, excéder 4 mois(3) et à condition d’établir un POT. Les exigences légales varient selon la durée de la période de référence choisie par l’entreprise concernée.

Ainsi, en cas de période de référence ayant une durée comprise entre plus de 1 mois et 2 mois, l’employeur devra nécessairement accorder un congé supplémentaire de 1,5 jour par an au salarié visé. Si la durée de la période de référence se situe entre 2 et 3 mois ou plus de 3 mois et 4 mois, le salarié concerné aura respectivement droit à un congé additionnel de 3 et 3,5 jours par an(4). L’application d’une période de référence légale est en outre conditionnée au respect de durées maximales de travail variant en fonction de la durée de la période de référence. En effet, si la période de référence est inférieure ou égale à 1 mois, les maxima habituels de 10 heures par jour et 48 heures de travail par semaine s’appliquent. Si, au contraire, la période de référence excède 1 mois, la loi introduit de nouveaux seuils de dépassement de la durée normale de travail de 10 % et 12,5 % (5). Cela signifie précisément qu’en cas de période de référence allant de plus de 1 mois à 3 mois ou de plus de 3 mois à 4 mois, un salarié occupé à temps plein ne pourra pas travailler en moyenne plus de 45 heures par semaine, respectivement 44 heures, sans tomber dans le régime des heures supplémentaires.

En cas de période de référence d’une durée inférieure ou égale à 1 mois, les conditions susmentionnées relatives aux congés supplémentaires et aux durées maximales de 10 % et 12,5 % ne sont en revanche pas applicables.

L’instauration ou le changement d’une période de référence légale doit par ailleurs être mené(e) selon une certaine procédure. Dans les entreprises non couvertes par une convention collective de travail, un accord subordonné ou un accord en matière de dialogue social interprofessionnel, l’employeur doit préalablement à l’introduction ou au changement d’une période de référence entamer la procédure d’information et de consultation de la délégation du personnel prévue à l’article L. 414-3 du Code du travail. A défaut de délégation du personnel, il lui est nécessaire d’informer et consulter l’ensemble des salariés concernés. La décision relative à l’introduction ou au changement d’une période de référence déterminée s’appliquera au plus tôt 1 mois après que la procédure d’information et de consultation a été entamée(6). Elle sera valable pendant 24 mois et tacitement renouvelable (7). L’employeur est en outre tenu de notifier chaque décision à l’Inspection du Travail et des Mines (ITM) dans le mois de sa prise d’effet.

Etablissement et modification d’un POT

Le POT a pour objet de déterminer les heures de travail des salariés de l’ensemble ou de parties de l’entreprise durant la période de référence couverte par le POT. Portant sur l’activité prévisible de l’entreprise, il doit permettre à tout salarié ainsi qu’à son supérieur hiérarchique direct de connaître sans équivoque l’horaire de travail qui lui est applicable. Il n’a toutefois pas à être nominatif.

Sous peine de nullité, le POT doit comprendre plusieurs mentions obligatoires(8).

La durée du POT varie en outre en fonction de la durée de la période de référence. En effet, si cette dernière est inférieure à 1 mois, la durée du POT doit être égale à celle de la période de référence. Si elle est égale ou supérieure à 1 mois, la durée du POT doit être au minimum d’1 mois. Plusieurs POT d’1 mois minimum peuvent ainsi se succéder durant une même période de référence.

De plus, au plus tard 5 jours francs avant son entrée en vigueur, chaque POT doit être établi par l’employeur, soumis à l’avis de la délégation du personnel ou, à défaut, à l’avis des salariés concernés, et communiqué à tous les salariés concernés par le moyen le plus approprié.

Par ailleurs, afin de modifier un POT en cours d’application, l’employeur doit, depuis le 1er janvier 2017, respecter un délai de préavis d’au moins 3 jours pour annoncer cette modification au salarié concerné. Dans l’hypothèse où il respecte ce délai et à condition que le changement n’entraîne pas un dépassement des durées maximales de travail, le travail réalisé audelà des limites fixées par le POT ne sera pas qualifié d’heure(s) supplémentaire(s). En revanche, en cas de non-respect du préavis, il convient de distinguer plusieurs hypothèses :

  • si ce changement entraîne une augmentation des heures de travail initialement prévues, ces heures devront être considérées comme des heures supplémentaires ;
  • si ce changement n’entraîne qu’un changement des horaires de travail sans augmentation de la durée de travail, une nouvelle distinction doit être opérée :
    - les 2 premières heures de travail dépassant l’horaire initial seront compensées au taux horaire normal de 1 heure pour 1 heure travaillée ;
    - les heures de travail dépassant l’horaire initial de plus de 2 heures seront compensées en temps de repos rémunéré ou rémunérées au taux de majoration de 1,2 heure pour 1 heure travaillée, dans la mesure où elles peuvent constituer un dérangement significatif pour le salarié ;
  • ce dernier peut enfin demander à ne pas se voir appliquer le changement d’horaire sous réserve de pouvoir justifier de motifs impérieux et fondés. Sa demande sera toutefois écartée si l’employeur s’est vu dans l’obligation de procéder au changement dans certains cas limités de force majeure(9). En cas de désaccord exprimé par l’employeur quant à la demande du salarié, la délégation du personnel ou le salarié concerné pourra saisir l’ITM qui émettra un avis écrit sur le caractère impérieux et fondé des motifs invoqués par le salarié dans les 2 semaines à partir de sa saisine(10).

LES CONDITIONS DE MISES EN PLACE D’UN RÈGLEMENT D’HORAIRE MOBILE
Choix d’une période de référence conventionnelle ou négociée

Afin de gagner en flexibilité, l’employeur peut également choisir de négocier avec les partenaires sociaux une période de référence dans le cadre d’une convention collective ou d’un horaire mobile.

Dans le premier cas, lorsqu’une convention collective, un accord subordonné ou un accord en matière de dialogue social interprofessionnel prévoit des dispositions relatives à la période de référence, qui sera alors nommée période de référence conventionnelle ou négociée, l’employeur pourra réduire ou allonger la durée de celle-ci jusqu’à 12 mois maximum. Si cette période de référence conventionnelle est distincte de la période de référence légale, il sera nécessaire de prévoir, dans la convention collective ou l’accord, toutes les règles concernant la périodicité, le contenu et les modalités du POT à établir, étant noté que les congés supplémentaires et les nouvelles limites de temps dérogatoires susmentionnées ne seront pas applicables.

Au contraire, dans le cas où la convention collective ou l’accord applicable à l’entreprise ne prévoit pas de dispositions relatives à une période de référence, l’entreprise peut choisir une période de référence légale de 4 mois maximum. Toutefois, si, au 1er janvier 2017, la convention collective ou l’accord en vigueur ne prévoit pas de disposition afférente à la période de référence ou se borne à renvoyer au droit commun, la durée de la période de référence applicable jusqu’à l’échéance de la convention collective sera limitée à maximum 1 mois.

Dans le second cas, une période de référence peut être librement négociée dans le cadre de ce que l’on appelle un règlement sur le fonctionnement d’un horaire mobile(11) qui se substitue au POT.

Mise en place d’un système d’horaire mobile

L’horaire mobile se définit comme un système d’organisation du travail qui permet au salarié d’aménager au jour le jour la durée et l’horaire individuels de son travail selon ses convenances personnelles. Pour ce faire, il doit toutefois respecter le règlement interne sur le fonctionnement de l’horaire mobile, les durées légales maximales de travail ainsi que les besoins de services et les désirs justifiés des autres salariés.

La décision relative à l’institution d’un horaire mobile ainsi que sa périodicité, son contenu et ses modalités, y compris les modifications, doit être prise dans le cadre d’une convention collective, d’un accord subordonné, d’un accord en matière de dialogue social interprofessionnel ou d’un commun accord entre l’entreprise et la délégation du personnel ou, à défaut, les salariés concernés. Partant, l’entreprise ne sera de nouveau pas tenue d’accorder des congés supplémentaires ou de respecter les taux de 10 % et 12,5 % prévus par la loi, les compensations pouvant être librement négociées.

L’introduction d’un horaire mobile nécessite actuellement encore une autorisation préalable de la Commission Nationale pour la Protection des Données (CNPD).

En pratique, l’employeur peut déterminer des plages horaires fixes pendant lesquelles le salarié doit être présent sur le lieu de travail et des plages horaires mobiles durant lesquelles le salarié peut aménager son temps de travail.

A la fin de la période de référence choisie, l’employeur doit procéder à un décompte exact et individuel des heures de travail prestées par le salarié :

  • si ce décompte obligatoire des heures de travail prestées indique un excédent d’heures par rapport à la durée légale ou conventionnelle, cet excédent constitue du travail supplémentaire, pour autant que la prestation d’heures excédentaires puisse être justifiée par des raisons de service ;
  • si le décompte indique au contraire un déficit d’heures, ce déficit doit être régularisé dans un certain délai, sans donner lieu à des majorations pour heures de travail supplémentaires, ceci dans le respect des limites journalières et hebdomadaires imposées par la loi.

Il est enfin à noter que pour les périodes de références légales dont la durée est inférieure ou égale à 1 mois, le règlement de l’horaire mobile peut déterminer un nombre d’heures de travail excédentaires qui peut être reporté à la période de référence suivante (12). On comprend donc l’intérêt de cet outil qui permet d’étendre la période de flexibilité au-delà de la période de référence sans que ces heures soient qualifiées d’heures supplémentaires.

Toutefois, la flexibilité introduite par ces deux instruments peut s’avérer en pratique limitée. Dans la mesure où cela implique le respect d’un certain formalisme, des coûts supplémentaires (repos obligatoires, taux de majoration), des charges administratives (décompte des heures), il est recommandé à toute entreprise qui prévoit d’y recourir – et notamment d’allonger sa période de référence légale au-delà d’1 mois par exemple – d’évaluer de manière prudente la fluctuation de son activité et le coût d’un tel système afin de s’assurer que l’avantage est bien réel.

Me Anne Morel – Partner
Me Anne Morel – Partner
Me Harmonie Méraud - Associate
Me Harmonie Méraud - Associate

Bonn Steichen & Partners

(1) Loi du 23 décembre 2016 concernant l’organisation du temps de travail et portant modification du Code du travail, publiée le 27 décembre 2016, Mémorial A n° 271 de 2016.

(2) L’article L. 211-27 du Code du travail prévoit un taux de compensation en nature de 1,5 ou taux de compensation en rémunération de 1,4.

(3) Cette durée a été allongée par la loi de 1 à 4 mois.

(4) Ces congés s’ajoutent au congé annuel légal de 25 jours.

(5) Le taux de dépassement entre les 40 heures normales hebdomadaires et les 48 heures maximales est de 20 %.

(6) Cela signifie qu’il n’est pas requis que la procédure soit achevée.

(7) L’employeur qui ne souhaite pas modifier la durée de la période de référence peut donc la renouveler sans information-consultation.

(8) Art. L. 211-7 du Code du travail.

(9) Cf. les points 2 et 3 de l’article L. 231-2 du Code du travail.

10) Art. L. 211-7 et 231-2 du Code du travail.

(11) Art. L. 211-8 du Code du travail.

(12) Art. L. 211-8 du Code du travail.