À l’instar de la réforme sur le congé parental abordée dans le précédent numéro(1), la loi du 23 décembre 2016(2) (ci-après « la loi ») qui a trait à la flexibilisation de l’organisation du temps de travail est « au coeur de la problématique du partage entre vie professionnelle et vie privée(3) ». Face à l’« extrême complexité(4) » des mesures mises en place, d’aucuns s’interrogent déjà sur leur pertinence et leur mise en oeuvre pratique.

La loi fait référence à plusieurs maximas en matière de durée de travail : quelle durée de travail l’employeur doit-il respecter en définitive ?

En principe, un salarié ne peut pas travailler plus de 8 heures par jour et 40 heures par semaine(5). Sous certaines conditions, un salarié peut être amené à travailler audelà de ces limites en prestant des heures supplémentaires sous réserve toutefois de ne pas travailler plus de 10 heures par jour et 48 heures par semaine(6). Lorsqu’une entreprise dispose d’un mécanisme de flexibilisation du temps de travail, les heures travaillées au-delà de la durée normale de travail peuvent ne pas être rémunérées en tant qu’heures supplémentaires, mais être compensées à l’intérieur d’une période de référence.

La loi allonge la période de référence légale à quatre mois : qu’est-ce que cela signifie en pratique pour l’employeur ?

Avant l’entrée en vigueur de la loi, l’employeur pouvait appliquer une durée de travail hebdomadaire maximale de 48 heures à l’intérieur d’une période de référence de quatre semaines ou d’un mois sans avoir à rémunérer en contrepartie des heures supplémentaires, dès lors que la durée de travail hebdomadaire moyenne calculée à la fin de la période de référence restait de 40 heures maximum. Ainsi, sur une période de référence de quatre semaines, un salarié pouvait par exemple être amené à travailler 48 heures les deux premières semaines et 32 heures les deux dernières, la durée de travail hebdomadaire moyenne restant de 40 heures, sans bénéficier d’une rétribution supplémentaire au titre de potentielles heures supplémentaires.

Sous l’égide de la loi, l’employeur peut dorénavant opter pour une période de référence allant jusqu’à quatre mois sous réserve de mettre en place certaines contreparties au profit des salariés. Comme auparavant, l’instauration d’une période de référence doit s’accompagner d’un Plan d’Organisation du Travail (POT) ou d’un règlement sur le fonctionnement d’un horaire mobile.

Congé supplémentaire ou compensation financière : l’employeur est-il libre de décider des contreparties à l’allongement de la période de référence ?

Non. La loi encadre avec précision les contreparties que l’employeur doit concéder lorsqu’il choisit de mettre en place une période de référence supérieure à un mois et qui s’accompagne d’un POT. L’employeur est ainsi tenu d’octroyer du congé supplémentaire dont la durée oscille entre un jour et demi et trois jours et demi en fonction de la durée de la période de référence. La loi prévoit également deux nouveaux seuils de durée de travail mensuelle (180 heures ou 176 heures par mois, soit respectivement 45 heures ou 44 heures par semaine, par rapport à une moyenne hebdomadaire de 40 heures) au-delà desquels le paiement d’heures supplémentaires devient obligatoire sans possibilité de récupération à l’intérieur de la période de référence.

A titre d’exemple, dans le cadre d’une période de référence de trois mois assortie d’un POT, un salarié qui travaillera 48 heures par semaine les deux premières semaines de chaque mois et 32 heures par semaine les deux dernières semaines de chaque mois bénéficiera dorénavant d’un congé supplémentaire de trois jours par an et du paiement de six heures supplémentaires ((48 - 45) x 2).

Les mêmes contreparties s’appliquent-elles en cas de période de référence assortie d’un système d’horaire mobile ?

Non. L’allocation de jours de congé supplémentaires et l’introduction de deux nouveaux seuils à respecter en matière de durée de travail mensuelle normale ne s’appliquent qu’aux employeurs ayant opté pour la mise en place d’un POT. Sous l’égide de la loi, l’employeur qui optera pour le système de l’horaire mobile devra cependant « mettre en place un système assurant un décompte exact des heures de travail prestées(7) » (via la mise en place d’un système de pointage par exemple).

Changement imprévisible de l’horaire de travail prévu au POT : l’employeur doit-il indemniser le salarié ?

La loi remplace l’ancien système aléatoire d’événement imprévisible par un système de préavis de trois jours(8) en vue notamment de la modification des horaires, sans pour autant qu’une telle modification n’entraîne des heures supplémentaires à condition que l’employeur respecte un préavis de trois jours et qu’il n’y ait pas d’augmentation des heures de travail initialement planifiées. Si le préavis n’est pas respecté, seules les heures de travail dépassant l’horaire initial de plus de deux heures seront considérées comme heures supplémentaires. Ainsi, un salarié informé par son employeur un jour avant le changement d’horaire nouvellement décidé par l’employeur qu’il devra travailler de 13 heures à 17 heures au lieu de 8 heures à 12 heures aurait droit au paiement d’heures supplémentaires, bien que le nombre d’heures de travail initialement planifié n’ait pas augmenté, étant donné que ses nouveaux horaires dépassent l’horaire initial de plus de deux heures.

Compte tenu de la complexité des nouvelles mesures et des difficultés pratiques auxquelles seront probablement confrontées les entreprises qui souhaiteront évaluer l’opportunité de recourir aux mécanismes de flexibilité évoqués ci-avant, l’évaluation du nouveau dispositif prévue d’ici cinq ans est d’ores et déjà vivement attendue.

Me Philippe Schmit, Partner
Me Virginie Roger, Associate

Employment Law, Pensions & Benefits
Arendt & Medernach 

(1) L’impact de la réforme du congé parental pour les employeurs en 10 questions, entreprises magazine n° 80, novembre-décembre 2016, p. 60.

(2) Loi du 23 décembre 2016 concernant l’organisation du temps de travail et portant modification du Code du travail qui succède aux dispositions instituées par la loi du 12 février 1999 mettant en oeuvre le plan d’action national en faveur de l’emploi (communément appelée loi PAN) et applicables jusqu’au 31 décembre 2016.

(3) Exposé des motifs du projet de loi n° 7016 concernant l’organisation du temps de travail et portant modification du Code du travail.

(4) Avis commun de la Chambre de Commerce et de la Chambre des Métiers rendu en date du 21 octobre 2016, p.14.

(5) Art. L. 211-5 du Code du travail.

(6) Art. L. 211-12 du Code du travail.

(7) Art. L. 211-8 du Code du travail.

(8) Art. L. 211-7 (3) du Code du travail.