Les erreurs à éviter lors de la rédaction d’un contrat de travail à durée déterminée
La rédaction d’un contrat, quel qu’il soit, n’est jamais chose aisée, surtout lorsqu’il s’agit d’une convention « d’exception ». En effet, rappelons tout d’abord que le Code du travail érige le contrat de travail à durée indéterminée en principe, tout en prévoyant – à titre d’exception – d’autres formes de contrats. Parmi ces derniers, il y a le contrat de travail à durée déterminée, qui est strictement encadré notamment en ce qui concerne les cas de recours, la durée maxi-male, les possibilités de renouvellement ou encore la succession de contrats.
Le respect de ces règles, qui ont été précisées au fil des décisions des tribunaux du travail, est primordial, alors qu’à défaut, la sanction applicable est la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Plus particulièrement, lors de la rédaction d’un contrat de travail à durée déterminée, il est essentiel de bannir les « vieux » template et également d’éviter les clauses de « style ». Un des points essentiels est d’être le plus précis possible, surtout en ce qui concerne le motif de recours au contrat à durée déterminée.
Être précis dans la description du motif de recours
Dans un arrêt de la Cour d’appel du 5 février 2015, les juges ont rappelé qu’il convient d’indiquer avec précision dans tout contrat de travail à durée déterminée la raison pour laquelle celui-ci a été conclu et en quoi la mission confiée au salarié est exceptionnelle. Ainsi, le contrat à durée déterminée doit précisément expliquer:
1. en quoi la tâche que le salarié prestera est non durable;
2. la raison exceptionnelle ayant amené l’employeur à conclure un contrat à durée déterminée.
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 février 2015, le contrat à durée déterminée mentionnait que le salarié occuperait le poste de « chargé de mission » et qu’il sera affecté au projet « BPMA/MARC/DIR » et ce « en raison de la réorganisation des activités de marchés au sein de la ligne métier Banque privée ».
A la lecture de cette clause, la Cour d’appel a décidé que les deux conditions visées ci-dessus n’étaient pas remplies et ceci pour les raisons suivantes :
1. la mention que le salarié est engagé comme « chargé de mission » n’est pas de nature à qualifier la tâche effectuée par le salarié comme précise et non durable ;
2. si cette clause indique effectivement l’objet pour lequel le contrat a été conclu (c’est-à-dire la réorganisation des activités de marché au sein de la banque), cette mention n’est pas suffisante pour expliquer la raison exceptionnelle ayant amené l’employeur à avoir eu recours à un contrat à durée déterminée.
Par ailleurs, dans un arrêt du 29 octobre 2015, la Cour d’appel a précisé que lorsqu’un contrat de travail à durée déterminée est conclu afin de remplacer un salarié temporairement absent, il est essentiel de mentionner le nom du salarié remplacé. A défaut, la Cour a estimé que la raison exceptionnelle ayant amené l’employeur à conclure un contrat à durée déterminée n’est pas mentionnée avec suffisamment de précision.
Dans une autre affaire récente (ayant donné lieu à un arrêt de la Cour d’appel en date du 30 novembre 2015), l’article 1er du contrat précisait que « Monsieur A. est engagé par la société SOC1 en vue de faire face à un accroissement temporaire d’activité consécutif à une nouvelle commande ». Après avoir analysé cette clause, la Cour d’appel a rappelé qu’en vertu du point 5 de l’article L.122-1 (2) du Code du travail « l’exécution d’une tâche précise et non durable en cas de survenance d’un accroissement temporaire et exceptionnel de l’activité de l’entreprise » est considérée comme tâche précise et non durable.
En revanche, pour que la loi soit respectée, la Cour a indiqué qu’il ne suffit pas que le contrat se limite à en recopier les termes et à faire laconiquement état d’une nouvelle commande. En effet, il est essen-tiel, selon la Cour, que l’employeur explique précisément les raisons l’ayant amené à avoir recours à un contrat à durée déterminée. Il aurait en effet fallu, dans le présent cas, que l’employeur précise la nature de cette commande et son caractère suffisamment exceptionnel pour justifier la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée.
Enfin, rappelons également que la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée est possible « en cas de démarrage ou d’extension de l’entreprise ». Dans cette hypothèse également, l’employeur est tenu d’expliquer précisément dans le contrat de travail que celui-ci est conclu pour un démarrage ou une extension de l’activité. A cet égard, par exemple, la Cour d’appel, dans un arrêt du 10 mars 2011, a constaté que « le contrat de travail indique bien dans son article 2 l’objet du contrat en ce qu’il précise « que Mlle A est engagée comme employée de magasin dans le cadre de l’accroissement d’activité lié à la période de lancement du nouvel établissement de Luxembourg […] ».
Eviter les clauses de « style »
Il est désormais devenu d’usage que l’employeur insère une clause dans les contrats de travail de ses salariés précisant, en substance, que le salarié est engagé pour exercer telle ou telle fonction et que l’employeur se réserve le droit d'affecter le salarié à une autre fonction selon ses besoins et en considération des aptitudes du salarié.
Bien que ce type de clause puisse avoir une certaine utilité dans le cadre de contrat à durée indéterminée, elle est à proscrire pour les contrats à durée déterminée. En effet, le Code du travail précise qu’un contrat à durée déterminée n’est valable que pour l’exécution d’une tâche précise et non durable. Or, en indiquant dans le contrat que le salarié pourrait être affecté à une autre fonction (que celle pour laquelle le contrat a été conclu), l’employeur reconnaît implicitement que le salarié n’a pas seulement été engagé pour l’exécution d’une tâche précise et non durable, mais potentiellement pour d’autres fonctions également.
La présence de cette seule clause pourrait donc conduire un tribunal à considérer le contrat à durée déterminée comme n’étant pas valable, en estimant que celui-ci n’a pas été conclu pour l’exécution d’une tâche précise et non durable.
Prêter attention aux règles et aux délais pour la succession de contrats
Les règles en matière de succession de contrats à durée déterminée ne sont pas toujours évidentes à appliquer.
En premier lieu, il convient de distin-guer entre renouvellement et succession de contrats. Le renouvellement d’un contrat à durée déterminée est possible si une clause le permettant est prévue dans le contrat et, si tel est le cas, l’employeur peut renouveler le même contrat au maximum deux fois tout en veillant à rester en deçà d’une durée totale de 24 mois. En revanche, la succession de contrats est la situation lors de laquelle un premier contrat à durée déterminée a pris fin et que l’employeur entend conclure un second contrat à durée déterminée avec le même salarié et pour le même poste de travail.
En ce qui concerne la succession de contrats, les règles (qui ont été rappelées récemment par la Cour d’appel, notamment dans des arrêts du 25 octobre 2012 et du 29 octobre 2015) peuvent être résumées en distinguant deux hypothèses:
1. le nouveau contrat est conclu pour le même objet (par exemple, pour faire face au même accroissement de travail) : dans ce cas, l’employeur est tenu d’observer un délai de carence entre le 1er et le 2e contrat équivalent à un 1/3 de la durée du premier contrat, renouvellement compris;
2. si l’objet du nouveau contrat est différent du premier (par exemple, premier contrat pour remplacer un salarié absent A et second contrat pour remplacer un salarié absent B), aucun délai de carence ne devra être observé par l’employeur.
Les règles de succession de contrats doivent tout de même être maniées avec prudence en s’assurant d’être à même de pouvoir prouver que soit la période de carence a été respectée, soit que le second contrat a été conclu en raison d’un objet différent.
La sanction en cas de non-respect d’une seule de ces règles
En ce qui concerne la sanction, la jurisprudence fait une application stricte des règles du Code du
travail, en précisant de manière constante que la seule sanction applicable en cas de non-respect des règles relatives au contrat à durée déterminée est la requalification de ce dernier en contrat de travail à durée indéterminée.
Plus précisément, la Cour d’appel, dans un arrêt rendu en date du 5 juin 2014, a précisé que « la requalification de la relation de travail entre parties à un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, mesure de protection du salarié, constitue la seule sanction prévue par la loi sur le
contrat de travail en cas de violation des articles L.122-1.(1) et L.122-1.(2) 5 du Code du travail, le but de la loi n’étant pas une résiliation automatique donnant lieu à des indemnités, mais le droit du salarié au maintien des relations de travail après l’expiration du terme illégal ».
Vu la gravité de la sanction, il est dès lors essentiel d’être vigilant et de s’assurer du respect de l’ensemble des règles relatives aux contrats de travail à durée déterminée.