Le moment de la transmission est un moment crucial pour l’entreprise. Il est particulièrement délicat pour les petites et moyennes entreprises (PME), car la qualité des relations interpersonnelles y joue un rôle plus important que dans des grandes entreprises.

Dans le cas des entreprises familiales, cette complexité est accrue par l'interaction de trois systèmes très différents : le capital, la famille et l'entreprise. Ces trois systèmes fonctionnent d’après des logiques différentes et parfois opposées.

Ainsi, par exemple, l’appartenance à une famille s’acquiert par la naissance ou par le mariage. Le rang d’une personne se fait en fonction de son ancienneté dans la famille et non par un contrat ou un poste occupé.

Ces systèmes de valeurs parfois contradictoires rendent les décisions particulièrement complexes au sein d’une PME, car elles doivent concilier des intérêts économiques, familiaux et opérationnels. Les préoccupations se limitent souvent aux aspects économiques et financiers, alors que le facteur humain joue un rôle tout aussi déterminant.

Nous allons examiner cette dynamique sous quatre angles distincts : le propriétaire, le repreneur, les employés et les relations avec les clients et fournisseurs.

Le propriétaire à l'âge de la retraite

Un propriétaire qui envisage la transmission de son entreprise doit non seulement préparer l'entreprise à un nouveau leadership, mais aussi se préparer lui-même à une transition personnelle majeure.

L'entreprise familiale avec une succession dans la famille

Lorsqu'il s'agit de transmettre l'entreprise à un membre de la famille, les relations personnelles et professionnelles s’entremêlent.

Le propriétaire doit gérer ses propres émotions, y compris le deuil de se retirer d'une activité qui a souvent été au cœur de sa vie. Lorsque ce point est acquis, son travail ne fait que commencer.

Le propriétaire peut être tiraillé entre une décision qui privilégie les critères familiaux en faisant le choix de la personne qui lui succède « naturellement » et la recherche de la personne qui est la plus apte à diriger l’entreprise. Parfois, les deux critères ne désignent pas la même personne.

Le propriétaire doit aussi composer avec les exigences des autres membres de la famille et leurs susceptibilités. Il est important de maintenir de bonnes relations avec les membres de la famille qui ne reprennent pas l'entreprise, en leur expliquant les raisons de ce choix et en les impliquant dans la mesure du possible pour éviter les ressentiments.

Une gestion malhabile de cette transition peut empoisonner la vie familiale et devenir un vrai problème juridique plus tard, au moment de la succession du propriétaire.

Le dialogue ouvert et honnête est essentiel pour prévenir les conflits et assurer une transition en douceur.

L'entreprise familiale et la vente à un tiers

La vente à un tiers représente un autre ensemble de défis humains. Le propriétaire doit bien connaître la culture de son entreprise afin de trouver un acheteur qui partage les valeurs de l'entreprise et qui pourra maintenir les relations de confiance établies avec les employés, les clients et les fournisseurs.

Le processus de sélection est souvent empreint d'incertitude et de stress, tant pour le propriétaire que pour le futur repreneur.

Le repreneur

Le repreneur, qu'il soit membre de la famille ou un tiers, doit s'intégrer dans un environnement déjà existant tout en apportant sa propre vision.

Le membre de la famille

La reprise par un membre de la famille implique souvent une transition plus douce, car le repreneur est généralement déjà familiarisé avec l'entreprise et ses valeurs.

Dans l’entreprise, il va devoir changer de statut et passer de membre de la famille du patron à celui de dirigeant. C’est un statut qui ne se gagne pas de naissance mais par le mérite.

Le repreneur membre de la famille doit aussi naviguer dans des dynamiques familiales complexes, où les attentes implicites non exprimées peuvent compliquer la prise de décision ou sa transposition.

Le repreneur tiers

Pour un repreneur extérieur, l'intégration peut être plus difficile. Il doit gagner la confiance de tous les acteurs internes et externes. Il est crucial qu'il investisse du temps pour comprendre la culture de l'entreprise et pour établir des relations solides avec les employés et les partenaires. La transparence et la communication ouverte sont des atouts majeurs pour réussir cette phase de transition.

Les employés de l'entreprise

Les employés vivent souvent la transmission d'entreprise avec une certaine appréhension. Ils voient que leur sécurité d'emploi, leurs conditions de travail et la culture d'entreprise sont en jeu. S’ils espèrent peut-être que « tout reste comme avant », ils sont anxieux de voir si leur nouveau dirigeant prend cette thématique à bras-le-corps ou s’il procrastine.

En cas de reprise par un membre de la famille, ils seront probablement préparés de longue date. Par ailleurs, ils se sont forgés une image au sujet de la personne qui va reprendre et ils vont devoir ajuster cette image. Leur soutien personnel est essentiel à la réussite du projet.

S’ils savent que l’entreprise ne reste pas dans la famille, ils sont, de prime abord, plus incertains sur leur avenir. Il est essentiel que les employés soient informés et impliqués dès le début du processus. Des réunions régulières et des canaux de communication ouverts peuvent aider à apaiser les craintes et à favoriser une culture de transparence.

Afin de conserver leur engagement et leur loyauté, il est utile de reconnaître leurs contributions passées et de les intégrer dans la vision de l'avenir de l'entreprise.

Si les employés ont pu contribuer au processus, ils sauront d’autant mieux gérer la collaboration avec le repreneur.

Les clients et les fournisseurs

La transmission d'une entreprise peut également avoir un impact significatif sur les relations avec les clients et les fournisseurs, qui sont souvent basées sur la confiance et la fidélité développées au fil des années.

Ils doivent être rassurés sur le fait que leurs intérêts seront toujours bien servis. La communication est ici encore un facteur-clé : annoncer la transition, expliquer les raisons, le projet et les bénéfices attendus.

Le nouveau dirigeant doit reconnaître et respecter les relations existantes. Il est essentiel de prendre le temps de rencontrer les principaux clients et fournisseurs pour établir des liens personnels et comprendre leurs attentes, pour assurer une continuité harmonieuse et éviter des perturbations dans les opérations.

Conclusion

La transmission d'une entreprise est bien plus qu'un simple transfert de propriété ; c'est une transition humaine complexe qui affecte tous les aspects de l'organisation. Le succès de cette transition repose largement sur la capacité des parties prenantes à communiquer efficacement, à gérer les émotions et à construire des relations de confiance.

Si vous êtes sur le point de transmettre votre entreprise, il est recommandé de commencer par une réflexion approfondie sur la culture de votre entreprise. Identifiez ce qui fait son unicité et ce qui doit être préservé lors de la transition. N'hésitez pas à chercher des conseillers spécialisés dans l'accompagnement des aspects humains de la transmission d'entreprise. En prenant ces mesures, vous pouvez garantir une transition harmonieuse et la continuité du succès de votre entreprise.

M. Jacques Wolter, Médiateur agréé par le ministre de la Justice, médiateur agréé auprès du Centre de Médiation Civile et Commerciale de Luxembourg
Sophie Lafleur, Mandeleo S.à r.l.