Les entreprises artisanales sont impactées par de nombreuses évolutions économi-ques et sociales, voire culturelles, et se démarquent d’autres secteurs économiques de par la diversité de leurs activités et de par leur proximité des marchés locaux et régionaux. Ces caractéristiques seront certainement déterminantes pour l’évolution future de ce secteur, eu égard à l’intégration économique et politique qui se poursuit, notamment dans la Grande Région. Le développement progressif des marchés innovateurs potentiels, issus de l’intégration économique, ne peuvent présenter que des avantages pour l’artisanat, à condition que les entreprises s'adaptent aux nouvelles tendances et tirent profit de leurs atouts, notamment au niveau de l'innovation.

Constitué de plus de 6.000 PME et représentant 21 % des entreprises du Luxembourg, l’artisanat offre aujourd’hui à quelque 80.000 personnes des emplois stables et passion-nants. Ainsi, chaque 5e personne est occupée par l’artisanat, ce qui fait de lui le premier employeur du Luxembourg. Son importance grandissante pour le marché du travail na-tional est documentée par les 20.000 emplois créés durant la dernière décennie.

Ainsi, l’artisanat a fait preuve d’une croissance annuelle de l’emploi salarié d’environ 3,5 % depuis l’an 2000. Pour le cas où cette évolution persisterait, et les évolutions futures de certains marchés, notamment au niveau de l’efficience énergétique et des énergies renouvelables prédisent une dynamisation renforcée prévisionnelle des activités de construction et de l’habitat, l’artisanat pourrait occuper plus de 95.000 salariés en 2020.

Il est un fait que la taille des entreprises artisanales a augmenté graduellement pour at-teindre en moyenne 13 collaborateurs, une évolution qui rend la gestion administrative et technique des entreprises plus complexe. Les chefs d’entreprise doivent et devront davantage encore dans le futur acquérir un savoir-faire de gestion particulier, adapté aux nouvelles structures des entreprises. Une étude réalisée en 2011 a montré que les entre-prises artisanales recrutent de plus en plus de personnel d’encadrement hautement quali-fié, que ce soit du domaine de la production (en moyenne 5 % du personnel de ce do-maine : ingénieurs, BTS etc.) ou de la gestion administrative (en moyenne 28 % de du personnel de ce domaine : économistes, comptables, juristes, informaticiens, BTS etc.).

Premier défi : une main-d’œuvre spécialisée

En général, il importe de veiller à ce que la pénurie de main-d’œuvre spécialisée ne ris-que pas de devenir un des principaux obstacles à la croissance dans le secteur artisanal. Selon une estimation, quelque 20.000 travailleurs spécialisés et apprentis font actuelle-ment défaut dans le secteur artisanal et ce, au niveau de la Grande Région. Les besoins de main-d’œuvre spécialisée portent par ailleurs sur presque tous les secteurs. L’étude précitée a mis en évidence que, pour 2012, les entreprises artisanales luxembourgeoises recherchaient essentiellement des salariés qualifiés (62 %) sinon hautement qualifiés (14 %). Dès lors, afin de maintenir à l’avenir une croissance qualitative et une stabilité éco-nomique, les efforts politiques doivent être renforcés sensiblement à tous les niveaux pour maîtriser la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. L’artisanat est l’un des secteurs qui, grâce son engagement en matière de formation professionnelle, contribue et contribuera également dans les années à venir de manière renforcée à diminuer le chômage des jeunes, à intégrer des groupes sociaux en difficulté sur le marché du travail, notamment les jeunes migrants, et à assurer ainsi la relève de la main d’œuvre qualifiée.

Actuellement, l’artisanat offre à quelque 2.000 apprentis une formation qualifiante, ce qui fait de lui le formateur de choix de l’économie luxembourgeoise. Ces jeunes et adul-tes termineront leur formation munis d’un diplôme d’aptitude professionnelle ou d’un certificat de capacité professionnelle, qui leur donneront plus de chances sur le marché de l’emploi. En effet, 90 % trouveront immédiatement un emploi qualifié après leur ré-ussite à l’examen, dont 65 % auprès de leur patron formateur. La promotion de l’apprentissage comme formation initiale ou adulte représentera un vrai défi à l’horizon 2020 et il sera essentiel d’aboutir à une augmentation substantielle de réussites de jeunes candidats dans ces formations. Toutefois, tout pronostic s’avère osé dans ce contexte.

Innovation, nouveaux créneaux et accès à la profession

Un autre grand défi à l’horizon de 2020 sera la recherche de nouveau créneaux innova-teurs. L’artisanat réalise un chiffre d’affaires de plus de 11 milliards EUR et contribue pour quelque 10 % au PIB national. Une part croissante du chiffre d’affaires est entre-temps réalisée en Grande Région, voire dans d’autres Etats membres de l’UE ou des pays tiers et de plus en plus d’entreprises artisanales optent pour une promotion de leurs services et produits sur les marchés étrangers. Sur les six années à venir, vu l’augmentation de la concurrence sur le marché national et le mouvement vers une spé-cialisation accrue au niveau des services offerts, l’internationalisation sera une option stratégique intéressante pour un nombre croissant de chefs d’entreprise (on s’attend sur la période considérée à un dédoublement des entreprises actives à l’étranger).

Les activités regroupées au sein du secteur de l’artisanat se sont fortement modernisées durant les dernières décennies. 67 % des entreprises artisanales se considèrent comme étant innovantes. Il est un fait que bon nombre de PME de l’artisanat innovent de façon conséquente, surtout au niveau de leur organisation, de leurs process, voire du design (innovations non technologiques). Au cours des années à venir, les PME de l’artisanat connaîtront sûrement d’autres changements structurels profonds. Les innovations dans les techniques de l’information ont fait apparaître aussi dans l’artisanat de nouveaux modèles de répartition du travail, d’organisation d’entreprise et de chaînes de valeur. Actuellement, bon nombre d’entreprises artisanales ont déjà opéré une mutation vers une entreprise de services basés sur le savoir-faire.

Le mouvement innovateur est particulièrement prononcé dans le domaine de l’efficience énergétique et des énergies renouvelables. Entretemps, environ 800 entreprises artisana-les sont actives dans ce domaine à fort potentiel, à savoir plus particulièrement la cons-truction de logements à haute performance énergétique, de même que l’assainissement énergétique du parc immobilier résidentiel existant. Pour l’artisanat, ce domaine ainsi que les sources d’énergies renouvelables constituent des champs d’activité qui gagneront fortement en importance à l’horizon 2020.

Pour l’artisanat, les changements intervenus au niveau de la réforme du droit d’établissement de 2011 étaient multiples : fusion de nombreuses activités artisanales, élargissement de plusieurs champs d’activités, nouvelles possibilités d’accès aux activités artisanales par une revalorisation des brevets de maîtrise et des CATP/DAP. Ainsi, à l’horizon 2020 également, ces modifications tout comme l’introduction d’une dose conséquente de libéralisation au niveau des conditions de qualifications professionnelles exigées pour l’accès à la profession permettra aux chefs d’entreprise établis et futurs d’avoir les moyens afin de consolider leurs activités, voire de les étendre. Ainsi, les changements intervenus permettront à long terme de stimuler, d’encourager et d’accompagner la volonté d’entreprendre.

Marc Gross
Sous-directeur
Chambre des Métiers du Grand-Duché de Luxembourg