La Cour d’appel rappelle les règles applicables aux centres d’affaires
La Cour d’appel, dans un arrêt rendu en date du 16 décembre 2015, a été saisie d’une demande nécessitant de se prononcer sur la qualification juridique exacte d’un contrat intitulé Contrat de prestations de services, mise à disposition de bureaux, signé entre un centre d’affaires et une société commerciale.
Les faits en cause peuvent être résumés comme suit: un centre d’affaires a fourni à une société une surface de travail matérialisée par des bureaux, l’accès à des prestations de services inhérentes à l’activité de la société ainsi que l’usage d’une adresse destinée à une activité professionnelle. Le contrat prévoit expressément qu’il ne peut être assimilé ou comparé à un contrat de bail commercial, qu’il n’a pas pour objet l’activité de domiciliation, mais qu’ « il s’agit uniquement de prestations de services for-mant un tout indivisible ».
Ainsi, ce contrat, avec l’objet indiqué plus haut, et conclu avec un centre d’affaires constitue-t-il en réalité un contrat de bail impliquant le respect des dispositions légales applicables en la matière, ou alors un contrat de domiciliation gouverné par la loi du 31 mai 1999, régissant la domiciliation des sociétés (la loi) telle que modifiée, ou encore un simple contrat de prestations de services tel que l’envisageaient les parties au contrat litigieux ?
Rechercher l’élément dominant
Le contrat de bail commercial se caractérise par la mise à disposition d’un bien, en l’occurence des surfaces de bureaux. La Cour d’appel rappelle que (a) si la mise à disposition de bureaux s’accompagne de prestations de services, il faut rechercher l’élément dominant et (b) si le contrat vise en ordre principal la prestation d’un travail, il y a louage de services, même si, accessoirement, une chose est également donnée en location.
Dans l’affaire toisée par la Cour d’appel, celle-ci a considéré que l’élément prévalant dans la liste des services prestés par le centre d’affaires était l’aspect relatif aux prestations de services. Un des éléments déterminant pris en considération par la Cour d’appel fut que l’objet de la location n’était pas un bureau déterminé, loué de manière privative, mais une surface de bureau générique, sans conférer à la société utilisatrice une jouissance exclusive de cette surface.
Quelles prestations de services ?
Dans un deuxième temps et après avoir écarté la qualification de bail commercial, la Cour d’appel a recherché si les services prestés par le centre d’affaires tombaient dans le champ d’application de la loi.
La Cour d’appel, dans son arrêt, rappelle d’abord les dispositions légales applicables, tel l’article 1er de la loi, définissant le contrat de domiciliation comme étant le contrat par lequel une société établit auprès d’un tiers un siège pour y exercer une activité dans le cadre de son objet social, et dans le cadre duquel ce tiers preste des services quelconques liés à cette activité. Dans l’arrêt en question est aussi mentionné l’article 28-9 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier, prévoyant qu’est à considérer comme domiciliataire toute société qui accepte qu’une ou plusieurs sociétés établissent auprès d’elle un siège pour y exercer une activité dans le cadre de leur objet social, et qui preste des services quelconques liés à cette activité.
La Cour se fonde ensuite sur les travaux parlementaires de la loi et rappelle notamment que la loi trouve application dans toutes les hypothèses d’établissement auprès d’un tiers au Luxembourg d’un siège quelconque d’une société luxembourgeoise ou étrangère.
Enfin, la Cour d’appel se fonde sur des indices ayant été déjà précédemment mis en évidence dans un arrêt du 11 juillet 2006, notamment: du nombre de sociétés établies par rapport aux bureaux disponibles, de l’exiguïté des locaux, de l’infrastructure défaillante, voire inexistante, du nombre de personnes qui travaillent réellement sur les lieux et de l’activité des sociétés concernées, ainsi que de la question de savoir si des services comparables sont offerts simultanément aux sociétés siégeant à la même adresse, les mêmes personnes étant affectées à l’exécution de ces services.
La Cour d’appel a ainsi jugé qu’en l’espèce, sur base des services offerts et par application des indices précités, le centre d’affaires avait en l’occurrence agi, dans les faits, comme domiciliataire.
La Cour d’appel a ensuite constaté que le contrat litigieux était nul, alors que le centre d’affaires n’était pas autorisé à agir comme domiciliataire suivant l’article 1er (1), 2e alinéa de la loi.
Ainsi, le domaine de la prestation de services sui generis dont ils se prévalaient pour échapper à toute autre qualification se trouve extrêmement réduit. Il est donc impératif que les centres d’affaires s’assurent que si leur activité effective rentre dans le champ d’application de la loi, ils doivent répondre à une des qualifications données par la loi pour exercer une telle activité.