La représentation femmes-hommes au sein des délégations du personnel dans les entreprises de plus de 15 salariés

Equilibrer la représentation entre les femmes et les hommes au sein des instances décisionnelles des entreprises reste un défi de taille, et cela pour l’ensemble des Etats membres de l’UE. En comparant les différents domaines étudiés par l’Institut d’Egalité des Genres (EIGE, 2015), le domaine du Pouvoir affiche un des scores les plus bas (39,7)(1) dans les 28 Etats membres. Ce domaine concerne précisément la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances décisionnelles politiques, économiques et sociales.

Au Luxembourg, parmi les six domaines étudiés par l’EIGE(2), seul le domaine du Pouvoir se situe en dessous de la moyenne européenne (22,6) et il faut préciser qu’à l’intérieur de celui-ci, c’est le domaine économique qui se démarque par une sous-représentation de femmes dans les instances de décision beaucoup plus importante que celle existant dans le domaine politique.

A l’instar des instances décisionnelles dans les entreprises, les délégations du personnel au sein de ces entreprises se caractérisent par une sous-représentation de femmes. Selon les secteurs d’activité, la taille des entreprises et aussi la proportion de femmes actives dans les différents secteurs d’activité, l’équilibre entre les délégués du personnel femmes et hommes varie. Cependant, il faut noter une constante dans ces variations : la part de femmes élues déléguées est toujours en dessous de la part de salariées employées dans les entreprises des différents secteurs, et cela même dans les secteurs employant majoritairement des femmes. A titre d’illustration, dans les secteurs du commerce de détail, de l’hôtellerie et de la restauration, affichant le taux le plus élevé de salariées (57 %), le personnel est représenté par 43 % de femmes et 57 % d’hommes (Lejealle, 2013). Lorsque l’on ventile par taille de l’entreprise, on observe la même constante : la part de déléguées élues (effectives ou suppléantes) reste toujours en dessous de la part de salariées occupées dans les entreprises (Lejealle, 2013).

Quant aux différentes fonctions au sein des délégations du personnel, en 2011, ce sont les fonctions de délégué.e à l’égalité et de secrétaire qui sont le plus souvent occupées par des femmes (40 %, respectivement 38 %) et les fonctions de président.e et de délégué.e à la sécurité sont le moins souvent occupées par des femmes (22 %, respectivement 14 %) (Lejealle, 2013). Une enquête menée en 2013 par le LISER(3) montre qu’un quart (25 %) des président.e.s et vice-président.e.s(4) de délégation du personnel dans les entreprises de plus de 15 salariés sont des femmes (voir graphique 1).

Graphique 1 - Fonction de président.e (ou vice-président.e) de délégation du personnel selon le sexe 

 

 

Source : Enquête IRP, LISER, 2013.
Guide de lecture : Parmi les président.e.s de délégations, 75 % sont des hommes et 25 % sont des femmes.

Graphique 2 – Syndicalisation des président.e.s (et vice-président.e.s) de délégation du personnel selon le sexe 

 

Source : Enquête IRP, LISER, 2013.
Guide de lecture : 51 % des hommes qui exercent la fonction de président ou vice-président de délégation du personnel sont syndiqués, contre 36 % des femmes exerçant les mêmes fonctions.

Quant à la syndicalisation des président.e.s (et vice-président.e.s) de délégation du personnel, le graphique 2 montre qu’au Luxembourg un peu plus de la moitié des hommes sont syndiqués (51 %) contre seulement un peu plus d’un tiers des femmes (36 %) exerçant la fonction de présidente (et vice-présidente) de délégation.

D’autres revendications

Les présidents et présidentes de délégation syndiqués sont plus souvent que leurs homologues non syndiqués impliqués dans la négociation collective au sein de leur entreprise. Par ailleurs, des auteurs (Briskin, Muller, 2011) relèvent le sexe des négociateurs. trices comme étant un des facteurs qui influence le processus de négociation et elles démontrent qu’il existe un lien intrinsèque entre l’objet de la négociation et le processus de la négociation. La Confédération Européenne des Syndicats(5) précise d’ailleurs que pour négocier l’égalité entre femmes et hommes dans les secteurs et entreprises, « l’équilibre entre hommes et femmes dans les équipes de négociation collective est crucial » (ETUC, 2015). Ceci est également confirmé par les acteurs de la négociation collective dans les secteurs et entreprises au Luxembourg: « La présence des femmes dans la délégation du personnel a entraîné automatiquement qu’une série de questions, auxquelles on n’aurait vraisemblablement pas pensé, ont pu être soulevées. (…) Le seul fait d’avoir des femmes dans la délégation a eu pour conséquence que nous avons d’autres revendications ou que nous réfléchissons à d’autres revendications que celles d’avant. »(6)

La mise en oeuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises requiert non seulement un cadre juridique encourageant, voire contraignant, mais également une représentation équilibrée de femmes et d’hommes dans les instances décisionnelles et représentatives du personnel. De plus, pour les négociateurs. trices, il est essentiel qu’ils et elles puissent avoir accès à des données ventilées par sexe afin de renforcer leur argumentation en faveur de l’égalité de traitement entre femmes et hommes dans les entreprises.

Carole Blond-Hanten, Chercheuse, LISER.
Carole Blond-Hanten, Chercheuse, LISER.

(1) Sur une échelle de 100, 1 représente l’inégalité des genres totale et 100 représente l’égalité des genres totale. L’Indice d’Egalité de Genre global situe la mise en oeuvre de l’égalité entre femmes et hommes dans la société luxembourgeoise en 2012 à 55,2. Dans le paysage européen, l’indice global du Luxembourg dépasse légèrement celui de la moyenne européenne (EU-28) – 52,9 – et se situe, pour ainsi dire, à mi-chemin vers une société égalitaire.

(2) Les six domaines étudiés par l’EIGE sont : le travail, le temps, le pouvoir, l’argent, le savoir et la santé.

(3) Les données sont issues de l’enquête IRP, qui a été menée par le LISER en 2013 dans le but de dresser un état des lieux du dialogue social au sein des entreprises et de comprendre les pratiques de négociation des délégations du personnel.

(4) Les deux fonctions ont été cumulées dans le questionnaire de l’enquête IRP de 2013 ; cette dernière ne nous permet donc pas de déterminer avec précision le pourcentage exact pour chacune des deux fonctions séparément.

(5) www.etuc.org

(6) Extrait d’une interview menée en 2016 avec un secrétaire syndical dans le cadre d’une étude menée sur l’égalité entre femmes et hommes dans la négociation collective au Luxembourg.

Sources citées :

  • Briskin L., Muller A., Promoting gender equality through social dialogue: Global trends and persistent obstacles, ILO, Working Paper n° 34, 2011.
  • Lejealle B., Les femmes et les hommes sur le marché de l’emploi, Rapport réalisé pour le ministère de l’Égalité des chances - Actualisation 2013.
  • The Gender Equality Index 2015, Measuring the gender equality in the European Union 2005-2012, European Institute for Gender Equality, 2015, Report, 188 p.
  • Résolution adoptée par le Comité exécutif de la CES, à la réunion du 17-18 juin 2015, La négociation collective - un outil puissant pour réduire l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes, www.etuc.org.