Allongement de la durée de protection des œuvres musicales de 50 ans à 70 ans pour une adaptation à l’ère de la musique digitale
Le 16 février dernier est entrée en force la loi du 10 février 2015 sur l’allongement de la protection des droits d’auteur et de certains droits voisins modifiant la loi du 18 avril 2011 sur les droits d’auteur, les droits voisins et les bases de données.
La nouvelle loi transpose tardivement la directive 2011/77/UE relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (la directive) qui a pour buts affichés une meilleure protection à travers l’Europe des milliers d’artistes interprètes dont l’activité créatrice est d’une importance sociale primordiale et l’adaptation de cette protection à l’environnement numérique actuel.
Les premiers bénéficiaires de la loi sont les auteurs et interprètes qui n’ont d’autres sources régulières de revenus que les droits sur leurs œuvres et prestations. L’allongement de la durée de protection de ces droits répond à la volonté d’aligner celle-ci sur leur durée de vie afin de leur assurer une rémunération décente. Les producteurs profitent également du nouveau régime en ce qu’il permet la perception de revenus supplémentaires, en particulier de la vente de titres sur Internet.
LES APPORTS DE LA NOUVELLE LOI Extension de la durée de protection
En ce qui concerne l’extension de la durée de protection, elle profite maintenant aux auteurs de « compositions musicales comportant des paroles » et « prend fin 70 ans après la mort du dernier survivant parmi (…) l’auteur des paroles et le compositeur de la composition musicale » (article 1er, (2) de la loi du 10 février 2015).
Sur le terrain des droits voisins, la même extension bénéficie aux artistes interprètes ou exécutant pour les compositions musicales fixées dans un phonogramme. La durée de protection n’est prolongée
à 70 ans que si cette prestation est fixée durant les 50 années suivant l’exécution. Ce nouveau régime n’est pas applicable aux compositions fixées sur un autre support ; on pensera notamment aux compositions audiovisuelles (article 2, (1)).
Mesures d’accompagnement de l’extension
Suite à l’extension de la protection, la loi du 18 avril 2001 telle que modifiée prévoit des mesures d’accompagnement couvrant les 20 années supplémentaires :
- les artistes disposent à présent d’un droit de résiliation du contrat (« use it or lose it clause ») si, 50 ans après le fait générateur (communication licite au public ou publication licite), le producteur de phonogrammes ne met plus en vente une quantité suffisante de copies ou ne les met pas à disposition du public en format numérique ou analogique. Ce droit est effectif un an après notification au producteur dont les droits expirent suite à l’application de la présente disposition (article 2, (3))
- concernant les artistes dont la rémunération n’est pas récurrente, ils auront dorénavant droit à une rémunération annuelle supplémentaire se montant à 20 % des recettes perçues l’année précédente par le producteur pour la distribution, reproduction et mise à disposition du phonogramme. Cette rémunération supplémentaire est exigible après écoulement de la 50e année suivant le fait générateur ;
- enfin, dans les contrats de cession ou de licence prévoyant une rémunération récurrente, la rémunération, au-delà de la 50e année, ne peut être diminuée par le paiement d’avances ou l’octroi de déductions définis au contrat (« clean slate clause »).
Les mesures d’accompagnement donnent un plus grand pouvoir de négociation à l’artiste. Les revenus supplémentaires dégagés devraient permettre une gestion contractuelle saine de l’allongement et faciliter également la protection du droit d’auteur par le producteur – qui voit donc ses droits contractuels protégés pendant 20 ans de plus – contre des utilisations suspectes ou illicites, spécialement sous forme numérique, alors que l’artiste n’est le plus souvent pas en mesure de faire lui-même valoir ses droits
Me Laurie-Anne Takerkart-Wolf Senior Associate
Avec la participation de Xavier Picquet Junior Associate
Wildgen, Partners in Law